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Militante féministe / ex-Femen / Madame Rap : rencontre avec Éloïse Bouton.

Journaliste indépendante, traductrice et autrice, Éloïse Bouton multiplie les initiatives pour développer un féminisme freelance à son image. Ex-Femen et militante investie dans de nombreux projets, elle trace désormais sa propre voie pour faire écho à celle des autres. C'est avec la création de son Tumblr, Madame Rap, qu'elle continue de défendre la cause des femmes, en partageant sa culture musicale : “Les femmes font aussi le rap. Et il est temps d’entendre leurs voix".


I) PRESENTATION


Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Éloïse. J’ai 32 ans. Je suis journaliste indépendante, autrice et militante féministe et LGBT. Je suis végétarienne, j’aime voyager, le rock, le hip hop, le fromage et les chats.


Comment imaginais-tu ta vie quand tu étais enfant, ado...?

Je voulais être journaliste et écrivaine, vivre à l’étranger, au soleil et au bord de la mer avec plein d’animaux.


Et maintenant, c'est quoi ton idéal dans la vie ?

Pareil !


II) ENGAGEMENT POUR LA CAUSE DES FEMMES ET MILITANTISME RADICAL


Tu es diplômée de l'Institut Français de Presse (IFP, Paris II-Assas) et d'un Master 2 professionnel de journalisme bilingue français/anglais (Paris III).

En quoi ces formations ont-elles influencé ta manière d'appréhender ton travail d'autrice et de journaliste ?

Elles m’ont donné les bases de ce métier et m’ont permis de faire de belles rencontres amicales. Je me suis aussi rendue compte qu’en France, le journalisme était enseigné de manière très formatée et cynique. Par exemple, on nous apprend la théorie du mort kilométrique : il vaut mieux parler de 3 morts en France que de 100 morts en Inde parce que les lecteurs se sentent prétendument plus en empathie quand la proximité géographique est plus importante. J’ai toujours trouvé cette consigne atroce dangereuse. Par ailleurs, on nous apprend que le journalisme est incompatible avec le militantisme alors que pour moi les deux sont intrinsèquement liés. Je me reconnais davantage dans le journalisme à l’anglo-saxonne, gonzo, plus éditorialisé et impliquant.


Tu as très vite rejoint des organisations pour t'engager dans l'activisme féministe (Osez le féminisme !, La Barbe). Qu'as-tu retenu de ces expériences ?

Ces organisations m’ont permis de me construire politiquement, d’évoluer, d’échanger et d’affiner mon positionnement sur différents sujets. La Barbe m’a séduite par son côté théâtral et parodique. Le simple fait de revêtir une fausse barbe déclenche des réactions très violentes et insupportables chez les hommes que nous ciblons. Ce qui les agace avant tout, ce n’est pas le contenu du discours. L’inadmissible, l’outrage absolu, c’est cette barbe, cette touffe au menton qui leur tend un miroir peu amène. Je trouve cela très intéressant.



Quelle était ta conception personnelle du/des féminisme(s) avant de rejoindre ces collectifs militants ?

J’étais passionnée par le féminisme africain américain et les courants queer. J’avais fait des études d’anglais et un mémoire sur les femmes dans le rap avec une spécialisation en cultural studies. Je me suis notamment intéressée à la Renaissance de Harlem, la Blaxploitation, la contreculture des années 60 et aux mouvements de Black protest. C’est principalement à travers des lectures (Angela Davis, Nella Larsen, bell hooks, Audre Lorde, Toni Morisson, Maya Angelou, Virginia Woolf, Violette Leduc, Kate Chopin, Virginie Despentes…), et la musique (Bikini Kill, Sleater-Linney, L7, Missy Elliott, MC Lyte, Salt N Pepa, Lil Kim, Queen Latifah, Björk, PJ Harvey ou le gender bending de Prince) que j’ai eu envie de militer.


En 2012, tu es la première française à gagner les rangs de Femen. Comment cette décision a-t-elle germé en toi ? Quelles étaient tes motivations ?

J’ai découvert Femen en octobre 2011 lors de leur action devant le domicile de Dominique Strauss-Kahn place des Vosges à Paris. A l’époque, je militais à La Barbe et ce happening de Femen a aiguisé ma curiosité. Je l’ai trouvée courageuse, juste, drôle et de si mauvais goût qu’elle en devenait délicieuse ! Ce pop féminisme incarné par une jeune génération de femmes jetait les débats sur les droits des femmes dans la rue et remettait l’activisme à l’ordre du jour en France. À mes yeux, les Femen, provocantes, ironiques et modernes, incarnaient un néo-féminisme, à mi-chemin entre Marcel Duchamp et Lady Gaga, auxquels elles empruntaient l’outrance et l’irrévérence esthétique, et déconstruisaient tout, en jouant cependant avec des codes rebattus.

Chacun.e développe sa propre vision du féminisme et opte pour le mode d’action qui lui correspond le mieux. Certaines organisent des manifestations et défilent dans la rue, d’autres écrivent des tribunes ou distribuent des tracts. J’avais fait tout ça, avec l’impression de ne jamais être vraiment prise au sérieux. Alors j’ai choisi de militer seins nus, comme recours ultime pour me faire entendre. Je n’ai pas décidé du jour au lendemain de descendre manifester topless dans la rue et il ne s’agit pas d’un geste irréfléchi, mais d’une décision raisonnée et politique qui résulte d’une lassitude devant l’indifférence de la société face aux modes d’action traditionnels. Seins nus, j’ai défendu la même cause qu’habillée, celle des femmes. Mais cet acte est souvent perçu comme futile ou dépourvu de fond, alors qu’il s’agit d’un outil parmi d’autres.



Quel est le fonctionnement de Femen (d'où viennent les directives, les financement, etc...) ?

Femen France n’a jamais reçu aucune subvention. La mairie de Paris et le conseil régional d’Ile-de-France ont démenti tout versement d’argent public et à l’époque où je faisais encore partie du mouvement, Femen n’a jamais constitué de dossier de demande de subvention pour la simple et bonne raison que la structure ne disposait pas d’une ancienneté suffisante (les dossiers ne sont pas examinés avant au moins la deuxième année d’existence). Pour avoir le détail de tout ça, je te renvoie à l’article de Solène Courdier paru dans Le Monde du 14 février 2014 intitulé : « Comment sont financées les Femen ».

Les discussions de déroulaient au QG de Femen, donc généralement entre Inna et le « noyau dur » du groupe, c’est-à-dire les plus anciennes ou les plus impliquées, celles qui passaient le plus de temps au Lavoir Moderne. Il n’y avait pas de vote ou de système formel pour trancher mais de longues discussions afin que la majorité tombe d’accord.


En interne, la parole est-elle au centre des débats ou est-ce la mise en scène et l'apparence qui priment ?

Nous organisions régulièrement des réunions où nous débattions de sujets d’actualité et d’actions potentielles. Le problème pour moi n’était pas l’absence de débats mais le fait que la réflexion s’articulait de manière trop binaire à mes yeux et manquait de nuance. Nous privilégions parfois la forme ou fond, sans forcément se poser les bonnes questions : d’où parlons nous, à qui nous adressons nous et quel est notre message ?


Par la suite, quel rôle as-tu du joué en tant que Femen ? Quelles étaient les attentes à ton égard ? A quelles actions as-tu participé ?

J’ai dû participer à une quinzaine d’actions en deux ans. Je n’avais pas de rôle défini de manière officielle, ce qui était un problème. Alors que le mouvement prétend fonctionner de manière horizontale, il est en fait très hiérarchisé et autocratique. On me disait par exemple que je n’étais pas obligée de participer aux entraînements, que chacune faisait ce qu’elle voulait, mais on a fini par me reprocher de ne jamais y assister.


En quoi la nudité (plus particulièrement la poitrine des femmes) est-elle une arme politique et un manifeste pour la liberté d'expression ?

Je pourrai écrire 10 pages sur le sujet ! Utiliser sa poitrine comme étendard est un moyen de se la réapproprier, de refuser le regard exclusivement sexualisant que la société patriarcale pose dessus et de remettre le corps au centre des débats. C’est par lui que viennent toutes les violences : harcèlement de rue, injonctions à la beauté et la minceur, IVG, PMA, viols, inégalité face à l’usage de la nudité comme mode d’action. Je pense que ce n’est pas un hasard si partout sur la planète, du Nigeria, en Egypte, en passant par la Chine, le Brésil et les Etats Unis, des femmes choisissaient de tomber le tee-shirt pour revendiquer leurs droits. La plupart d’entre elles se heurtent aux mêmes incompréhensions sociétales, juridiques et idéologiques, mais quelques-unes parviennent à faire changer les législations.


Finalement, tu prends la décision de quitter Femen en février 2014, et de prendre tes distances avec cette organisation activiste. Comment, à ce jour, expliques-tu ce choix ?

Femen a réussi un tour de force : inspirer les thématiques féministes dans les débats publics. Car quoi qu’on en dise, la France n’a jamais autant parlé de féminisme. Je ne regrette rien et demeure persuadée de la justesse du « topfree » et de sa force de frappe inouïe. Reste à l’inscrire dans une réflexion cohérente et adaptée aux enjeux de notre société. Mon engagement au sein de Femen reste une expérience incomparable, étourdissante et hautement instructive, qui m’a permis de grandir et de préciser ce que je voulais et ne voulais pas dans mon militantisme. Pendant plusieurs années, j’ai couru les associations féministes, non par expérimentalisme mais par quête naïve d’idéal, avant de détecter mon allergie aux étiquettes.

J’ai décidé de partir de Femen quand j’ai réalisé que l’association était paralysée par la paranoïa et incapable de se remettre en question. Par ailleurs, je pense que la leader Inna Shevechenko est responsable de ne pas clarifier certains points et d’avoir instauré une communication opaque, tout comme les autres membres sont responsables de perpétuer ce fonctionnement sans jamais le remettre en cause. Enfin, je reste dubitative au sujet de certaines actions, auxquelles je n’ai pas participé à l’époque comme celle en Tunisie ou celle devant la Grande Mosquée de Paris. En tant que française, blanche et athée, il me semble malvenu à titre personnel de « taper » sur les musulmans, qui subissent déjà de nombreuses discriminations ou de me rendre dans des pays étrangers pour porter la bonne parole. Je trouve que tout ça frise le colonialisme et n’ai jamais été à l’aise avec ces démarches. Il est plus intéressant à mon sens, de critiquer les puissants, les dominants, c’est-à-dire, en France, l’Eglise catholique.


L'année dernière, en janvier 2015, ton témoignage Confession d'une ex-Femen (éditions du Moment) a été publié. Tes mémoires ont été accueillies de manière très positive par la critique. Cette chronique intime, sociale et politique, pleine de rage et d'espoir, était-elle, pour toi, une manière de sublimer ton expérience Femen pour tourner cette page et réinventer un militantisme sans étiquette ?

Ce livre était en effet un moyen de dresser un bilan quasi thérapeutique et de tourner la page sereinement, L’écrire m’a aidé à comprendre que le militantisme collectif n’était plus pour moi et que j’étais beaucoup plus libre et épanouie en solo. J’ai aussi appris à me préserver et à ne plus laisser mon engagement m’engloutir, au détriment de toutes les choses positives que je peux construire en parallèle dans ma vie. Car cette indépendance est aussi féministe.



Je reviens sur une affaire qui a fait polémique... Le 17 décembre 2013, tu réalises une action coup de poing dans l'église de la Madeleine à Paris, où tu manifestes seins nus, simulant un avortement près de l'autel avec des morceaux de foie de veau. Tu es alors conduite en justice pour exhibitionnisme sexuel... C'est alors la première fois qu'une femme est incriminée pour ce motif en France.

Quelle a été ta réaction suite à cette action en justice ?

J’ai été sonnée ! Jamais je n’aurais pensé qu’un militantisme pacifique pourrait risquer de m’envoyer en prison. Avant, je percevais la nudité comme un outil politique ou artistique. Mais après ma condamnation, j’ai réalisé que c’était un combat en soi. Je me suis rendue compte que ce n’était pas forcément le contenu de mon action qui posait problème mais le simple fait que mon propos existe. La justice a réduit mon militantisme à un aspect psychologique et invalidé mon engagement en le dépolitisant. Alors que je souhaitais dénoncer une forme de sexisme, d’invisibilisation ou de violences faites aux femmes, mon geste a été commenté et analysé de manière sexiste. C’est un peu le chat qui se mord la queue.



Tu as rapidement fait appel et tu as lancé une pétition, adressée à la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, demandant la révision de la loi sur l'exhibition sexuelle. Quel a été l'impact de ces démarches dans l'attente du procès ?

Honnêtement, aucun ! Ce qui a fait bouger les choses est le fait que je sollicite des rendez-vous avec plusieurs parlementaires pour leur exposer mon cas et ma volonté de changer la loi sur l’exhibition sexuelle. J’ai d’ailleurs organisé un colloque à l’Assemblée nationale en juin 2015 pour expliquer les motivations de ma démarche.


Comment as-tu vécu la médiatisation de ton image et de tes actions au cours de l'instruction ?

Je ne me suis pas vraiment posée la question. Depuis mon entrée dans Femen, j’étais réduite à « la fille qui se met à poil ». Le procès n’a fait que renforcer ce préjugé.


Au terme du procès, la "justice" (sic!) te condamne à un mois de prison avec sursis + 2000 euros de dommages et intérêts pour le curé et 1500 euros au titre des frais de justice par le tribunal correctionnel de Paris. La peine est lourde, discriminatoire et disproportionnée eu égard à l'objectif du happenning...

"Aujourd’hui, une femme peut être reconnue coupable d’un acte, alors qu’un homme ne le sera pas, et ce simplement à cause de son corps".

Comment peut-on faire bouger les choses pour ébranler les stéréotypes sexistes et les normes hétéropatriarcales qui pèsent sur le corps des femmes ?

Pour ma part, en changeant la loi sur l’exhibition sexuelle ! Le texte actuel (article 222-32 du Code Pénal) dit : «L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible au regard du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.» Le terme d’exhibition sexuelle n’est donc pas explicité. On ne sait pas si cela désigne les organes génitaux ou le torse - mais que celui des femmes puisque les hommes topless dans l’espace public ne sont pas poursuivis pour exhibition -. Le flou de la loi pose plusieurs questions : les seins sont-ils un organe sexuel ? Le torse nu d’une femme est plus érotique que celui d’un homme ? Qui en a décidé ainsi ? Et surtout, dans un pays démocratique, comment nos différences biologiques peuvent-elles justifier des différences face à la loi ?



Enfin, où en est ton combat, mené avec ton avocat Tewfik Bouzenoune, pour changer la loi sur l'exhibition sexuelle ?

Nous attendons toujours la date de mon procès en appel. Lors de l’audience, mon avocat souhaite poser une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) qui vise à reformuler l’actuel texte relatif à l’exhibition sexuelle. La question, si elle est acceptée, sera transmise au Conseil Constitutionnel qui devra se prononcer et abroger la loi le cas échéant.


III) FEMINISME FREELANCE


Démissionnaire de Femen, tu retrouves toute la latitude pour agir à ton niveau selon tes envies et tes besoins. Alors, qu'entends-tu par "féministe sans étiquette" ?

C’est-à-dire que je m’exprime en mon nom propre et non au nom d’une association. Cela me convient parfaitement et m’offre une grande liberté. Néanmoins, je collabore régulièrement avec diverses structures : le collectif de femmes journalistes Prenons la Une, La Barbe, Georgette Sand, Droits Humains Pour Tou-tes et l'Institut en Santé Génésique.


En août 2015, tu es à l'initiative de la création d'un Tumblr, Madame Rap : "Des femmes, du rap, du rap et des femmes". Ta culture musicale personnelle est aussi enrichie par les suggestions de contributeurEs qui alimentent la base de données.

Comment as-tu réagi face à l'engouement du public pour ce projet (300 artistEs recensées sur le Tumblr dès le premier mois d'activité, plus de 5000 followers sur le Facebook de Madame Rap à ce jour...) ? T'attendais-tu à cela ? Y a-t-il eu des détracteurs, qui voyaient ce projet d'un mauvais oeil ?

Je ne m’y attendais pas du tout ! Au départ, j’ai créé ce blog car je souhaitais mettre en lumière des rappeuses du monde entier. J’en avais assez de lire ou d’entendre que le rap était un milieu 100% masculin et de constater que les médias grand public boudaient les femmes MCs. Je suis ravie du côté participatif, et j’aime beaucoup l’idée que les gens aient envie de faire partager leurs découvertes. Je n’ai pas reçu de retours négatifs à part quelques réflexions isolées du style « Mais comment tu peux aimer le rap et être féministe ? ». Toute la société est sexiste. Le rap l’est tout autant que le reste. Mais comme il s’agit d’un microcosme « hors normes », le sexisme apparaît exacerbé. Le hip hop use de codes qui lui sont propres, frontaux, crus et violents, qui reflètent notre monde. Mais je trouve que la pop, la musique classique ou le rock sont tous aussi sexistes. Simplement, ce n’est pas forcément aussi visible ou décelable.


En quoi est-ce un moyen de donner une visibilité aux femmes dans un domaine musical largement dominé par les hommes, et dont les messages véhiculent bien souvent des propos et des images misogynes, sexistes et homophobes ?

Le simple fait de montrer qu’il existe autre chose que ce que les médias mainstream mettent en avant me semble faire avancer les choses. Cela produit des role models ou du moins permet d’insister sur des initiatives positives plutôt que de passer son temps à dénoncer ce qui dysfonctionne. Souligner l’existence d’alternatives constructives me semble essentiel.


Le hip-hop au féminin est manifestement un vecteur d'empowerment.

Est-ce que, d'après tes connaissances, le message transmis dans leurs lyrics va dans ce sens (rap conscient) ? Ou trouve-t-on surtout des artistes qui composent des morceaux axés ego-trip dont le fond subversif est moins prégnant ?

On trouve les deux car les deux aspects font partie de l’essence même du hip hop : certaines perpétuent les codes sans les remettre en question, d’autres les bousculent et les font évoluer. Le rap est en partie une musique contestataire. La force du spoken word et du texte permet de véhiculer des idées très fortes. Beaucoup d’artistes issus de la nouvelle scène hip hop, qui mêle grime, voguing, electro et ball culture s’inscrivent dans cette lignée très politique et émancipatoire. Certains défendent ouvertement les droits LGBT.


''Les femmes doivent avancer avec prudence pour ne pas perdre de terrain. C'est pour ça que quand je vois Nicki Minaj et Kim Kardashian, je suis scandalisée. Je me dis que ma grand-mère a lutté pour autre chose que le droit de crâner en string". Que penses-tu des propos de Lou Doillon (été 2015) qui condamnent une certaine forme de féminisme ? N'est-ce pas une conception restrictive qui efface toute idée de féminisme pluriel et intersectionnel ?

A mon avis, si ! J’avais d’ailleurs écrit un papier dans Mouv’ (lire l'article ici !) sur le sujet. Je doute que Lou Doillon soit raciste ou anti-féministe, mais je pense que comme elle ne s’identifie pas à ce féminisme là, elle le rejette et le sort de son contexte. C’est comme si on disait qu’autoriser les femmes à conduire en Arabie Saoudite ne représentait pas une avancée pour elles. D’un point de vue euro-centré, c’est sûr, mais il s’agit de savoir d’où l’on parle.


Question moins lourde de sens, mais tout aussi intéressante... Madame Rap regorge de pépites. Peux-tu me donner ton top 5 ?

C’est super difficile parce que ça change tout le temps. Un top 5, je ne vais pas y arriver, alors je fais un top 10 !


La cambodgienne Lisha qui rappe en khmer avec un flow fou furieux :


La palestinienne Safa Hathot :

Les vénézuéliennes Mestiza et Neblinna :

La rappeuse LGBT Ascrilla :


La Chinoise Chacha, mootié du duo electro soul AM444 :

Les Québécoises Bad Nylon :

La chanteuse/rappeuse de Minneapolis Lizzo :

La MC britannique Roxxxan :

Sharaya J, lancée par Missy Elliott :


La Mexicano-Américaine Snow Tha Product :

Concernant la culture hip-hop, quel est ton coup de cœur en ce début d'année 2016 ? D'après toi, y a-t-il une artiste rap à suivre dont on entendra parler prochainement ?

Je dirais Lucci Vee de Chicago ou Sammus de Ithaca dans l’état de New York.




En novembre dernier, tu as lancé Contre-Coups, une compilation caritative de 12 femmes artistes contre les violences faites aux femmes. Comment as-tu procédé pour réunir les chanteuses, musiciennes et compositrices qui ont collaboré avec toi ?

J’ai sollicité quelques artistes que je connaissais déjà et pour les autres, j’ai lancé un appel sur les réseaux sociaux.


Les retombées financières ont-elles permis de soutenir l'ISG (Institut en Santé Génésique) qui accompagne et soigne les femmes victimes de violence physique et psychologique ?

Dans le cadre de notre campagne de financement participatif sur Ulule, nous demandions 4000 euros et nous avons réussi à récolter 5409 euros ! Ce succès a permis à l’ISG d’améliorer ses conditions d’accueil pour les femmes victimes de violences. Par ailleurs, la compilation est toujours en vente à 10 euros sur Bandcamp (https://contrecoups.bandcamp.com/releases) et tous les bénéfices générés sont reversés à l’institut.


Tu élargis ta palette d'actions avec des projets artistiques personnels dans le domaine de la littérature. Quels sont tes projets à venir concernant l'écriture de livres ? Quelles thématiques souhaiterais-tu aborder ?

Je prépare actuellement un livre qui sortira au mois de juin, mais je ne peux pas en dire plus ! : )


On te retrouve aussi sous le nom de scène Eloïse Elle dans le duo Catskill et dans le groupe Western Fiasco, avec qui tu as signé "Bare Breasts (Femen Hymn)", l'hymne international de Femen. Est-ce que tu vas continuer à composer des chansons pro-féministes voire clairement identifiées comme telles ? Quelles autres problématiques essaies-tu d'aborder en tant que compositrice ?

Je suis féministe, ce qui se répercute dans toutes les sphères de ma vie, donc dans mes projets musicaux aussi. J’explore de nouvelles collaborations, notamment avec Emeraldia Ayakashi, DJ, compositrice et sound designeuse présente sur Contre Coups. Ces thématiques lui tiennent également à cœur, ce qui facilite notre travail. : )



IV) CARTE BLANCHE : un dernier mot pour la route ? un dernier thème que tu souhaites aborder ? C'est ici !

Ceci est la plus longue interview à laquelle j’ai jamais répondu ! : )

Pour suivre la page Madame Rap et retrouver le travail d'Eloïse Bouton :


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