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Pullet Rocks : "girls to the front" !

Le paysage Bruxellois regorge de pépites dans le domaine de l'art et de la culture. Hors des sentiers mainstream, l'association Pullet Rocks casse les codes du patriarcapitalisme pour mettre en lumière des artistes perçues femmes - de facto invisibilisées - pour leur offrir un espace d'expression scénique et les révéler à un public toujours plus diversifié. Rencontre.


Commençons dans le vif du sujet : Pullet Rocks, c'est un nom qui claque. Mais concrètement : c'est "quoi" ? Pourquoi avoir choisi ce nom ? Et qui se trouve derrière ? Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les personnes qui pilotent ce projet ?

Pullet” est un vieux mot anglais qui signifie simplement “poule” ! On cherchait un synonyme de “chick”, un terme un peu dénigrant visant les filles. On voulait dire que même les petites poulettes peuvent faire du rock ! C’était un lendemain de veille, Sarah et Anne-So râlaient sur l’offre événementielle proposée à Bruxelles, surtout dans la scène lesbienne et alternative. Elles se sont donc dit qu’elles allaient lancer leurs propres soirées, avec la musique qu’elles aiment et surtout, avec des meufs sur scène ! Anne-So et Sarah sont de vieilles amies qui se sont connues dans une école supérieure d’art. Sarah est graphiste et tatoueuse, Anne-So est vidéaste. Aujourd’hui Sarah ne fait plus partie de l’équipe, mais Anne-So a continué l’aventure avec Stéphanie et Morgane, toutes deux passionnées de musique et sensibles à la cause féministe.

D'après ce que j'ai pu lire sur le site officiel de Pullet Rocks, la première soirée a eu lieu il y a plus de 3 ans, en mars 2013. J'imagine qu'il y a eu un lourd travail à faire avant cet événement inaugural ! Quelles ont été vos motivations et vos démarches concernant la mise en place ce projet artistique et culturel ?

On s’est très vite lancées dans l’organisation de la première soirée grâce à la Maison Arc-en-ciel (la coupole bruxelloise des associations LGBTQI) qui nous a proposé leur bar et un créneau de dates régulières. Nous avons eu peu de temps pour préparer la première soirée et surtout très peu de contacts. Anne-So connaissait une chanteuse-guitariste et l’a invitée pour jouer sur scène. On a eu deux désistements d’artistes plasticiennes le jour même, donc ça commençait assez mal ! Malgré ça, le public était au rendez-vous et très réceptif quant à ce nouveau projet. On s’est dit qu’il y avait vraiment une demande et qu’il fallait mettre les bouchées doubles pour la suite ! C’était très motivant de rencontrer des gens sensibles à notre concept et de voir que nous n'étions pas les seules à ressentir le manque d'événements à orientation féministe à Bruxelles.

Comment êtes-vous parvenues à trouver des lieux partenaires et des financements pour l'organisation de vos soirées ?

Sarah connaissait une personne qui organisait des soirées à la Maison arc-en-ciel et qui désirait les arrêter. Le créneau horaire se libérait et nous avons très vite rencontré l’équipe de la Mac qui nous a laissé carte blanche pour l’organisation de nos soirées. On avait donc à disposition un bar en plein centre ville dans le quartier gay, et ce gratuitement une fois tous les deux mois ! Que demander de plus ? Nous avons parallèlement rencontré le bookeur de « Females Rock », une autre petite structure qui fait jouer des groupes féminins en Belgique et nous avons collaboré pour deux événements. Cela nous a permis d'organiser des concerts dans d'autres lieux de la capitale. Concernant le financement, nous n’avons aucune aide ni aucun subside. Nous avions un bon deal avec le bar de la Mac qui nous permettait d'engranger suffisamment de bénéfices pour rémunérer nos artistes et financer le matériel, mais cela n’a duré qu’un temps. Aujourd’hui les règles du bar ont changées et nous ne rentrons absolument pas dans nos frais. On met de notre proche pour s’en sortir !! C’est un gros souci actuellement qu’on va devoir bien vite gérer, mais cela ne nous empêche pas de vouloir continuer l'aventure.



De quelle manière décririez vous les grands débuts de Pullet Rocks (en prenant pour référence les premiers mois d'activité) ?

On a eu un début assez explosif ! Le groupe punk bruxellois The U'lers a joué lors de notre deuxième événement, ils ont mis le feu !! Cela nous a ouvert à un public différent de la première soirée ; des punks de la vieille époque, des punks à chiens,... c'était sympa de les voir dans un bar LGBT ! Notre concept sortait doucement de son nid et quelques mois plus tard, on a eu l'occasion rêvée d'organiser un concert au DNA, lieu mythique et culte de la scène underground bruxelloise ! On a démarré fort et avec des groupes qu'on aimait vraiment, notre motivation était à son comble !

Sur quels critères vous fondez-vous pour sélectionner et contacter les musicien.ne.s, artistes et performeur.e.s que vous bookez ?

Ca se passe généralement au feeling. On aime faire jouer des musicien.ne.s qu'on apprécie, chez qui il y a une recherche et un style que l'on juge intéressants. Nous nous concertons toutes les trois pour prendre la décision. Il nous est arrivé de faire jouer des groupes qui, a priori, ne nous touchaient pas plus que ça, pour finalement avoir de très belles surprises en live ! On reste fidèles à nos goûts et à la ligne de conduite de notre projet : une fille au chant, un son rock/alternatif et s'il y a une vraie démarche féministe derrière, c'est encore mieux !

A ce jour, quels sont vos meilleurs souvenirs en termes de concerts et de soirées ? Et quels sont vos coups de coeur ?

L'un de nos meilleurs souvenirs a été la venue à l'improviste du groupe américain Trash Knife. On les a booké 1h à peine avant l'ouverture de la soirée, totalement à l'arrache. Ils étaient en tournée européenne et voulaient jouer à Bruxelles donc on les a greffé à notre programmation en dernière minute et c'était vraiment excellent !! Niveaux groupes, je pense qu'on est d'accord sur nos coups de coeur : Pandora's Bliss (DE), The Chikitas (CH) et Cheshire Cat (the bouncing) (FR). On a toutes de supers souvenirs avec eux, tant sur scène qu'en dehors. Ils ont joué plusieurs fois chez nous et au-delà de la musique, il y a vraiment eu une rencontre humaine et de sacrés moments festifs !


CHESHIRE CAT (the bouncing) - 10 février 2015

En tant qu'organisateur.e.s de soirées ponctuelles, qu'est-ce qui est, pour vous, le plus gratifiant ? Et le plus difficile ?

Le plus gratifiant est évidemment de voir que la sauce prend lors des soirées ! Quand l'ambiance est à son comble et que tout le monde y trouve son compte, tant les artistes que le public. Là on se dit, qu'on a n'a pas bossé pour rien. Recevoir des retours positifs est tellement motivant ! Quand on rencontre des personnes prêtes à nous aider ou simplement pour discuter de l'importance de notre combat, on se rend compte qu'on apporte une pierre à un édifice de grande ampleur ! Concrètement, le plus difficile est de trouver des lieux où organiser nos événements. Des lieux qui nous permettraient d’accueillir nos artistes dans de bonnes conditions, tant financières que matérielles. Il est également difficile de sortir du carcan LGBT dans lequel nous sommes inscrites depuis nos débuts. On le remarque lorsque nous organisons des événements hors de la Maison arc-en-ciel, ce public ne suit pas. Nos événements sont ouverts à tou.s.tes et le limiter à un public queer/LGBT n'est pas du tout notre but.

Bruxelles, la Capitale de l'Europe, a la réputation est d'être très dynamique concernant l'art et la culture. Pour quelle(s) raison(s) avez-vous choisi d'investir cette ville pour développer votre projet ?

Nous habitons toutes les trois à Bruxelles depuis un bon nombre d'années, ce n'est donc pas par choix que nous développons notre projet ici. Cela dit, on savait que la demande était là et que c'était un milieu propice. A Bruxelles il y a très peu de groupes féminins, il y a donc réellement une scène à créer et à faire émerger. Beaucoup d'artistes y résident également, on a de supers écoles supérieures d'art et une foison d'étudiantes à faire connaître ! La scène alternative (quelle soit queer, rock ou underground) se développe bien et le public est ouvert à la nouveauté.) Pullet Rocks fait le choix politique de sélectionner des artistes et des groupes dont les membres possèdent un profil généralement invisibilisé par les normes patriarcales et hétérocentrées : les femmes (cis et trans).


Pour moi, cette démarche est éminemment féministe. Qu'en pensez-vous ? Et pourquoi ?

Oui, nous nous inscrivons clairement dans une démarche féministe parce que malheureusement il faut encore se battre pour faire valoir les artistes femmes. C'est sur le terrain qu'on en a pris conscience : habituées à faire des concerts depuis des années, le constat nous parait évident : les scènes sont principalement occupées par les hommes, surtout dans le milieu du rock, aussi bien dans les gros festivals que dans les petits concerts. D'ailleurs, il en va de même dans le public. Amatrices de métal, Stéf et Anne-So en ont ras le bol de devoir déserter les premiers rangs par peur de recevoir des coups de la part de certains pogoteurs. On s'inscrit dans la suite du mouvement Riot Grrrl prônant le slogan « girls to the front ! » qui nous est particulièrement cher. Ce mouvement propose aux meufs de lancer leurs propres initiatives et de ne céder à aucune pression patriarcale. On désire créer un engouement auprès des filles-artistes, musiciennes et autres afin d'insuffler un élan de création en leur offrant une structure et une visibilité.


The Chikitas - 3 décembre 2013

Pour vous, en quoi peut-on dire que l'industrie musicale est sexiste ? Et quels sont les moyens et les méthodes à employer pour lutter contre cette dynamique oppressive ?

Les artistes féminines qui fonctionnent dans l'industrie musicale correspondent généralement à un canon de beauté, on leur demande d'être belles, attirantes voire sexy. Dans le rock commercial, l'image de la fille rebelle fonctionne aussi, mais attention, « pas trop rebelle quand même » ! On est baigné dans ce système depuis tellement longtemps que les filles qui veulent faire de la musique aujourd’hui ne se mouillent pas et filent tout droit vers les stéréotypes qu'on leur a toujours inculqués. Même dans le rock alternatif on a du mal à se couper totalement de ces clichés. Le son lourd, crade et violent est systématiquement rattaché à un « truc de mecs » et quand ce sont des filles qui s'y collent, on ne peut pas éviter d'entendre autour de soi : « oh, pour des meufs c'est pas mal ! ». Pour lutter contre ça, il va falloir dans un premier temps rétablir l'égalité « hommes-femmes » dans l'industrie artistique ; la plupart des lauréats de festivals ou concours sont majoritairement masculins. Il faut booster la création artistique féminine, grâce à des plates-formes et des projets qui naissent à droite à gauche. Parallèlement, il faut enfoncer le clou encore plus loin en brouillant les « limites » des genres et permettre une plus grande visibilité aux artistes qui traitent de cette thématique.


Quels sont vos projets pour les mois à venir ? Et vos résolutions pour 2017 (ahah) ? Une virée en région Bordelaise pour co-organiser une belle soirée pleine de paillettes ?

En janvier, pour la première Pullet de l'année 2017, nous invitons un groupe hollandais avec un son Riot Grrrl ! Je pense que cela va nous guider vers une programmation plus radicale et plus orientée féministe pour la suite de nos aventures. En mars, nous fêterons dignement nos 4 ans en essayant d'organiser une grosse soirée remplie de concerts ! On aimerait aussi diversifier nos activités ; organiser des expositions, proposer plus d'événements pluridisciplinaires et développer le concept de notre workshop musical. Nous avons de belles collaborations à venir, notamment avec le collectif flamand « Girls Go Boom », et puis nous espérons franchir notre frontière grâce à vous :) On fait le stock de paillettes et on débarque quand vous voulez !


Un dernier mot pour la route avant que l'on se quitte ? Allez-y, tout est permis !

On espère que notre initiative va en inspirer d'autres ! Si dans chaque pays, chaque ville naissait ce genre de projet, un formidable réseau pourrait émerger et des échanges entre artistes pourraient se créer. Le concept des Ladyfests s'est déjà bien répandu, mais on veut quelque chose d'encore plus récurrent et plus bouillonnant ! Let's rock girls !!


Pour suivre les news et la programmation de Pullet Rocks :




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