Menstruations : un réel défi pour les personnes sans domicile fixe.
D'après le rapport de la fondation Abbé-Pierre publié en janvier 2016, 14,5 millions de personnes vivant en France subissent le mal-logement, dont au moins 141500 sont sans domicile fixe. Tous les mois, certain.e.s d'entre elleux doivent faire face à un paramètre bio-physiologique cyclique inévitable : les menstruations. Brisons le tabou et osons poser la question : comment cela se passe-t-il pour celleux qui vivent dans la rue en ce qui concerne les soins d'hygiène relatifs aux règles ? Ce n'est pas qu'une simple période d'inconfort passager. Non. C'est une question de santé, de bien-être et de dignité.
"Nourriture ou Tampons ?
Nourriture ou Tampons ?
Nourriture ou Tampons ?
Nourriture."
Avoir un logement, c'est jouir d'un lieu privé. Avoir une source stable de revenus, c'est accéder aux soins de confort et d'hygiène. En d'autres termes, les menstrues représentent une réelle difficulté pour les personnes en situation de précarité extrême qui ne peuvent que rarement prendre soin d'elleux-mêmes en période de règles. La propreté est une valeur (bourgeoise) universelle : ce qui est socialement perçu comme sale est toujours rejeté, banni et dénigré. Celleux qui ne peuvent profiter de points d'eau ou de sanitaires pour se laver subissent une marginalisation extrême et sont impacté.e.s physiquement, émotionnellement et psychologiquement par la manière dont les autres les perçoivent et les considèrent. Et c'est un perpétuel rappel de leur vulnérabilité.
L'accès à des protections périodiques leurs est limitée en raison du coût de ces produits. Pour un paquet de tampons ou de serviettes, il faut, en moyenne, débourser entre 3 et 5 euros. Cette dépense, fixe et mensuelle, est conséquente lorsque on la rapporte à l'année. Sans oublier que, malgré l'abaissement de la TVA de 20% à 5,5% après la bataille autour de la "taxe tampon", les baisses de prix, très inégales selon les marques, n'ont pas été radicales. Etant donné que ces produits (de première nécessité) ne sont pas à disposition libre et gratuite des personnes les plus démunies, quelles solutions leurs reste-t-il pour satisfaire ce besoin primaire ? Iels sont obligé.e.s d'être inventif.e.s car le Samu Social, les centres d'hébergement et les foyers manquent presque toujours de produits d'hygiène intime. Certain.e.s utilisent des chaussettes, des serviettes en papier, des sacs plastiques, du papier toilette, des boules de coton ou des feuilles de journal à la place des protections périodiques.
© soapboxie.com
Le recours à ces substituts DIY est parfois la seule solution viable pour limiter les désagréments liés aux flux menstruels. Et pourtant, cela peut devenir un vrai problème de santé. Les (rares) fois où une personne sans-abri dispose d'un tampon (ou de tout autre matériel faisant office de protection hygiénique), iel peut être tenté.e de garder le même en place pendant un certain temps. Parce que, même si les autorités de Santé Publique recommandent d'en changer toutes les 4 heures, certain.e.s n'ont pas le luxe de se le permettre. Et le risque de cette pratique est bien connu : le syndrome du choc toxique, lié à la propagation de staphylocoques au niveau de la muqueuse utérine. La survenue de cette pathologie est rare mais quand les symptômes se manifestent, l'évolution est brutale et peut mener au choc septique puis, 1 fois sur 10, au décès.
Alors, que peut-on faire pour remédier aux difficultés que subissent les personnes sans logement fixe ? Tara Heuzé a sans doute donné la meilleure des réponses à cette question en proposant une action qu'elle a baptisée Règles Elémentaires. L'année dernière, entre les mois de novembre et de décembre, cette étudiante de Sciences Po Paris a organisé une collecte solidaire de protections périodiques pour les proposer gratuitement aux refuges et aux centres d'hébergement vers lesquelles se tournent les personnes sans-abri. Dans une interview publiée sur cheekmagazine.fr, Tara Heuzé est force de proposition. D'après cette dernière, sur le long terme, subventionner les personnes les plus précaires pour l'achat de produits périodiques ou leurs rembourser leurs frais d'achat serait un moyen de rendre les tampons et les serviettes accessibles à celleux qui sont le plus dans le besoin. Elle pense également qu'un travail de sensibilisation au sujet des protections durables et réutilisables (comme les coupes menstruelles) est incontournable afin de redonner de l'autonomie aux personnes sans domicile fixe. Elle précise ce que chacun.e est libre de faire pour soutenir Règles Elémentaires : faire un don au Samu Social, parler de ce projet autour de soi (cercles de relations amicales et professionnelles), installer une boîte à dons dans les locaux associatifs et - pour celleux qui ont un emploi - dans les lieux de travail, lancer cette initiative dans d'autres villes que Paris, alerter les fabricants de protections hygiénique...
© regleselementaires.com
Sur le site soapboxie.com, une personne ayant vécu dans la rue présente des idées de kits de soins d'hygiène intime à confectionner soi-même pour aider les genTEs sans-abri. Voici ce qu'elle propose :
#1 Kit d'hygiène intime Super Basique :
- solution hydro-alcoolique pour les mains
- lingettes nettoyantes
- un paquet de serviettes périodiques ou de tampons
#2 Kit d'hygiène intime plus élaboré :
- solution hydro-alcoolique pour les mains
- lingettes nettoyantes
- 1 paquet de serviettes périodiques ou de tampons
- des culottes de rechange
- une boîte d'analgésique (paracétamol, ®SPASFON ou son générique en vente libre dans toutes les pharmacies d'officine en France)
#3 Kit d'hygiène intime eco-friendly Super Basique :
- solution hydro-alcoolique pour les mains
- lingettes nettoyantes
- 1 coupe menstruelle
- un feuillet d'instructions pour l'utilisation de la cup
#4 Kit d'hygiène intime eco-friendly plus élaboré :
- solution hydro-alcoolique pour les mains
- lingettes nettoyantes
- 1 boîte d'analgésique
-1 coupe menstruelle
- un torchon en tissu (pour l'entretien de la cup)
- un feuillet d'instructions pour l'utilisation de la cup
© medium.com
La question relative aux menstruations des les personnes sans domicile fixe est une affaire de dignité humaine, malgré tous les préjugés que conservent les genTEs au sujet du parcours de vie des populations sans-abri. C'est aussi une question de solidarité et de sororité, et tout le monde peut donner un peu de soi pour répondre aux besoins primaires des personnes les plus précarisées.
En ce moment, les fêtes de fin d'année sont une bonne occasion de contribuer aux collectes d'associations caritatives comme la Croix-Rouge, le Samu Social ou le Secours Populaire. Donner, contribuer, partager. La prochaine fois que l'opportunité d'aider une personne sans-abri se présente à vous, proposez lui le nécessaire pour qu'iel recouvre autonomie et dignité en termes d'hygiène intime en période de règles. Car, définitivement, les articles périodiques sont des produits de première nécessité.
Quelques liens pour suivre l'initiative solidaire de Règles Elémentaires :