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Rencontre avec Sarah de Vicomte: "Mon idéal est un monde où la sensibilité prend enfin la place

On entend beaucoup parler, depuis quelques temps, de l'"hypersensibilité", d'individus appelés "zèbres", et plus récemment de "personnes multipotentielles". De quoi parle-t-on et de qui s'agit-il?

Qu'en est-il de ces personnes qui, au regard de la société, n'ont "pas de vocation" ou semble dispersées? De quelle(s) façon(s) cette vulnérabilité se matérialise-t-elle au quotidien et en quoi cela peut-être un frein dans la vie, ou encore un ressort à la créativité et une manière atypique de penser l'humanité?

Ou peut-on dire simplement qu'il s'agit d'une manière spontanée d'"Être" au monde, avec une sensibilité exacerbée qui donne une lecture en filigrane de ce qui le constitue?

Sarah de Vicomte, militante, rédactrice, réalisatrice et notamment connue pour ses articles au sein du collectif Barbi(e)turix, lève le voile sur son émotivité et ses projets, pour nous faire entrevoir son univers de représentations et ses aspirations.


"Plus grande est la sensibilité, plus grand est le martyre.", Léonard de Vinci.

© Charles M. Schulz


PRÉSENTATION


Tout d'abord, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m'appelle Sarah, j'ai bientôt 30 ans. Je me considère féministe sex-positiv, écolo, anti capitaliste, militante pour les droits des animaux et euh gouine. Je suis également community manageuse, réalisatrice de films pornos érotiques, rédactrice pour Barbi(e)turix et je fais aussi de la photo argentique.


© Instagram @sarahdevicomte


D'où viens-tu ? Dans quel cadre as-tu grandi ?

Je suis née et j'ai grandi à Nîmes dans une famille ouvrière avec un père issu de la bourgeoisie et cinéphile et une mère bibliophile qui n'avait aucun problème à répondre à mes questions sur la sexualité.

J'ai eu la chance de grandir dans un environnement dans lequel je me sentais protégée bien que mes parents ne soient pas des modèles. Mais j'ai détesté grandir à Nîmes et je ne m'y suis jamais sentie à ma place.


Comment imaginais-tu ta vie quand tu étais enfant, ado...? tu avais un rêve ?

Très jeune, j'avais deux envies: l'une c'était de devenir actrice et je considérais le cinéma comme ma passion. L'autre était celle d'écrire; je voulais devenir journaliste, reporter (à prononcer avec l'accent anglais) et parler de sujets qui me tenaient à cœur. Je voulais changer le monde. A un moment, je voulais devenir présidente de la république jusqu'à ce que je me rende compte que ce n'est pas via ce biais que je pourrais vraiment participer à l'évolution de la société. Mais je me suis sentie impliquée très jeune par tous les sujets sociaux. Les injustices n'ont jamais fait sens et mon rêve était de toutes les éradiquer. Je crois que c'est toujours l'un de mes rêves. ​


Quel est ton idéal dans la vie ?

Mon idéal dans la vie c'était exactement ce que je viens de dire. J'ai toujours été un peu bisounours et hypersensible. Je ne supporte pas les injustices, l'horreur, les souffrances sans raison. Ça me rend triste et ça me met véritablement en colère. J'ai toujours été très révoltée et mon idéal de vie était la véritable paix dans le monde. (je voulais déjà arrêter de manger des animaux à plusieurs reprises, sans jamais y parvenir par exemple). Mon idéal est un monde où la sensibilité prend enfin la place qu'elle mérite. Je trouve que les gens manquent de sensibilité ou n'osent pas l'exprimer.


Quel est ton rêve de bonheur ?

L'apaisement, la sagesse, la douceur surtout, la douceur. Et du soleil, et des fruits.


© Instagram @sarahdevicomte

Quel est ton démon ?

L'intolérance. Ça peut paraître paradoxal mais avec le temps, la réflexion, il y a des choses que je tolère de moins en moins. Je ne tolère plus les blagues qui portent sur les minorités de genre, sexisme, de classe ou de race, je ne tolère plus le carnisme et les carnistes et je n'ai plus aucun humour à ce propos. Vraiment je n'ai plus envie d'essayer de comprendre, j'ai fait ça toute ma vie; les excuses des gens pour éviter d'avoir à changer de comportement me font totalement chier.


Un dieu, un maître ?

Ni Dieu ni maître. ;)

En revanche je suis persuadée d'avoir été Léonard de Vinci dans une autre vie depuis l'âge de mes dix ans. Il était végétarien, créatif, gay et humaniste.


© British Library / extrait d'un des carnets de Leonardo Da Vinci


Quel penseurE t'accompagne en toutes circonstances ?

C'est un peu basique mais Gandhi, et Nietzsche, j'ai toujours aimé Nietzsche, puis Henri David Thoreau, Sylvia Plath, Léonard de Vinci, Natalie Barney, Gertrude Stein.


Ton livre de chevet ?

En ce moment c'est Wild, mais j'ai beaucoup aimé Les forêts de Sibérie de Tesson et les correspondances entre Woolf et Vita Sackville West; et j'aime tous les livres de Preciado: philosophiques, sociaux et poétiques.


© Instragram @sarahdevicomte


Pour toi l'inspiration c'est...?

La vie, les sensations. Ne serait-ce que cette chaleur venant du soleil un jour de froid ou cette douceur qu'il y l'après midi quand les élèves rentrent de l'école. Mais aussi l'amour, la passion, les odeurs, les caresses, et cette sensation géniale quand tu manges un truc trop bon comme du chocolat fourré à la noix de coco, l'eau que tu bois quand t'as super soif ou même l'orgasme, pleurer devant un paysage ou pleurer de bonheur.


De quoi doutes-tu ?

Moi en premier lieu: tout le temps, sans cesse. J'ai des constances, -heureusement- mais je remets tout en question très souvent. Je doute aussi de la douceur de l'humanité, de l'espèce humaine, des gens.


© Instragram @sarahdevicomte


Qu'est ce qui te met en colère ?

L'injustice sous TOUTES ses formes.


La maxime du Bien que tu aimerais transmettre ?

"Sois le changement que tu veux voir dans le monde" de Gandhi.


© Mafalda, Quino


La devise de ta vie ?

"I can never read all the books I want; I can never be all the people I want and live all the lives I want. I can never train myself in all the skills I want. And why do I want? I want to live and feel all the shades, tones and variations of mental and physical experience possible in my life. And I am horribly limited." de Sylvia Plath


L'animal que tu préfères à l'Homme ?

Je préfère tous les animaux à l'Homme :)


Que places-tu au dessus du plaisir ?

La douceur, la fierté d'un travail bien fait, l'engagement à une ou des causes.


Ton mot préféré ?

C'est un mot en anglais, Awkward, qui ne sera jamais parfaitement traduit en français.


La phrase que tu utilises le plus souvent ?

"J'ai une bonne mémoire des chiffres, t'as vu?"


Préfères-tu parler ou écrire ? Pourquoi ?

Écrire, sans aucun doute: je suis plus à l'aise. À l'oral les émotions sont souvent trop fortes, je m'embrouille et j'ai du mal à me faire comprendre.


Si tu étais une personne invisible, où irais tu ?

(Haha) je crois que j'irais voler dans des magasins.

Bon sinon j'irais assister à des réunions secrètes du gouvernement ou de grandes industries et j'irais les filmer ( supposons que la caméra soit invisible). Et je ferais des trucs très idiots aussi pour les ridiculiser à la télé (haha).


C'est quoi pour toi la "cité idéale" ?

La cité idéale? Vaste question: Paris dans le sud de la France. Plein de vélos, pas de racisme, ni de sexisme, presque plus de voitures, des tapis volants. Des jardins partagés avec des potagers partout.


Ton truc pour corrompre la jeunesse ?

La sexualité, l'amour.


© Instragram @sarahdevicomte


De quelle(s) illusion(s) te berces-tu ?

Dure question. Parfois je crois que l'humanité est fondamentalement bonne puis en fait, non. Y'a rien de fondamental.


MULTIPOTENTIALITÉ


Si je te dis « multipotentiel-le », qu'est-ce que cela signifie pour toi ?

Hum, l'intérêt dans plusieurs aspects de la vie, des connaissances et l'utilisation de différents outils pour mettre en œuvre des projets qui ont parfois le même objectif.


Peux-tu me donner 5 mots, expressions ou courtes phrases pour décrire une personne « multipotentielle » ?

Créative / Curieuse / Polyvalente / Pertinente / Sensible


Si l'on se base sur la définition couramment établie de « personne aux multiples et diverses passions, aux multiples centres d’intérêts, avec parfois la sensation de se disperser », dans quelle mesure te reconnais-tu dans cette définition? (de 0: « pas du tout » à 4: « tout à fait »), et pourquoi ?

Sur une échelle de 0 à 4 je me place à 3,5 avec quand même une préférence pour l'image en général. Et aussi une sorte d'objectif qui englobe tout, comme lutter contre les injustices, mais via des outils totalement différents.


De quelle(s) façon(s) penses-tu que cela puisse être un frein dans la vie ? Dans quelle mesure cela peut ou a pu avoir un impact dans la tienne ?

Autrui a tendance à penser qu'on s'éparpille, et ça peut être un frein parce qu'en effet parfois ça peut être le cas, et c'est épuisant émotionnellement. Ça demande de l'organisation. Puis aussi on est vachement jugé-e, perçu-e comme des personnes peu stables ou immatures alors qu'en fait c'est juste une façon différente d'être dans la société.


Quel(s) conseil(s) donnerais-tu à une ou des personnes qui n'ont « pas de vocation » ?

D'apprendre à s'écouter et surtout accepter sa fragilité et sa sensibilité.

© Alba Rosa


PRATIQUES ET CENTRES D'INTÉRÊTS


A quoi ressemble ta vie à l'heure actuelle ?

Il me semble que tu es sensible et engagée très activement dans différents domaines, telles que le véganisme, les voyages, le bien-vivre, l'écologie, le féminisme sex-positiv, le journalisme et l'organisation d'événements (au travers notamment de ta présence au sein des Barbi(e)turix)... Tu t'es lancée dernièrement dans le tournage d'un film pornographique lesbien (République/ Filles du Calvaire) que tu présentes dans différents festivals...Enfin, à la vue de tout ça, tu sembles bien busy! Peux-tu nous parler de la façon dont tu jongles entre ces différentes activités/ centre d'intérêts ? Quels sont tes projets à venir?

Wow quelle question ! Alors en effet je me sens engagée dans différents mouvements qui prennent différentes formes. J'ai milité au sein de SOS Homophobie pendant deux ans et je faisais des interventions en milieu scolaire. J'ai vraiment beaucoup aimé, c'était une expérience véritablement positive. Puis je n'avais plus le temps, j'ai cherché d'autres associations LGBT mais finalement, je me reconnais à la fois dans toutes et à la fois dans aucune. Alors j'ai décidé de ne plus faire partie d'une association, même si je fais partie du collectif Barbi(e)turix qui permet de s'attaquer à plusieurs sujets, tout en exprimant des voix différentes au sein d'une même communauté.

Du coup je milite à ma manière, et dans mon quotidien. Je me suis rendue compte qu'il fallait aussi commencer par changer soi-même. Par exemple, c'est bien beau de se dire écolo, de vouloir lire des bouquins écolos ou de faire partie d'une association écolo, mais le mieux reste encore de changer son propre comportement. Devenir végétalienne m'a mise en face de mes propres contradictions: certes on ne peut pas être parfait-e mais quand même changer ses habitudes est essentiel quand on veut lutter contre quelque chose. En l'occurrence, je suis devenue végétalienne pour que ma pratique corresponde à mes idées. Je sais que mes habitudes ne sont pas parfaites mais j'essaie de changer des choses dans ma consommation petit à petit, et j'ai des priorités. La production de viande est ce qui pollue le plus par exemple, et en même temps ça touche aussi au traitement des animaux et à la répartition des denrées alimentaires. Quand tu penses qu'on pourrait nourrir trois fois la planète avec ce qu'on fait pousser pour nourrir le bétail.


© Instragram @sarahdevicomte


Puis ça pollue plus que tous les transports mondiaux. Un hamburger équivaut à une douche tous les jours pendant deux mois en terme de consommation d'eau, c'est énorme.

C'est pour ça qu'il y a des priorités. On dit de manger local mais c'est moins intéressant de manger local que de manger végétarien pour l'environnement, c'est un fait. Alors j'essaie de manger local, d'être minimaliste dans ma consommation, de ne pas gaspiller, de ne pas acheter trop de fringues dans les magasins de vêtements et j'essaie de privilégier les matières naturelles, sans produits animaux. Je fais mes propres cosmétiques et j'achète des fringues chez Emmaüs mais on peut pas être parfait-e mais on peut vouloir tendre vers une cohérence et c'est cette cohérence là qui est essentielle. J'essaie aussi de remettre en question d'autres aspects de mon comportement. Avant, je faisais des remarques sur le physique (même si ça pouvait être un compliment) et je me suis rendue compte que je reproduisais un truc que je n'aimais pas qu'on me fasse et qu'on fait à toutes les femmes. J'ai fait sans doute du slutshaming, j'ai pas mal jugé les filles aussi qui sont très féminines. Aujourd'hui encore, je fais plus attention à ce que je dis tout en acceptant qu'on peut dire des conneries et que c'est parfois en les disant qu'on se remet en question. En fait, quand on me dit quelque chose, j'essaie de comprendre le point de vue de l'autre et voir ce qui a pu gêner dans ce que j'ai dit. Mais bon je suis comme tout le monde, j'ai de grosses résistances, je suis la plupart du temps sur la défensive ;)

Je crois vraiment que le militantisme passe d'abord par une remise en question de soi-même mais aussi en acceptant qu'on est pas obligé-e de tout déconstruire parce que c'est pas facile, et que juger les autres parce qu'elles s'épilent par exemple, ce n'est pas féministe non plus.

Pour la sexualité, j'ai beaucoup écrit des articles de cul et j'estime que j'ai fait une grosse partie de mon militantisme là dedans: si possible, aborder des sujets de manière différente pour toucher les personnes, faire en sorte qu'elles se sentent un peu mieux.

Les films porno érotiques, c'est pareil: aborder quelque chose différemment pour toucher différemment.


Pour finir, il ne me semble pas que j'ai besoin de jongler entre ces différentes activités puisque ce sont des luttes qui font partie de mon quotidien. En revanche, c'est émotionnellement fatiguant parce que je suis particulièrement sensible à toutes les remarques concernant ces différents aspects de ma vie et de mon engagement.

Je ne supporte pas la taquinerie, réservez-la à des mecs blancs cis(genres) hétérosexuels occidentaux carnistes. Merci :)

Sinon j'ai différents projets dans ma vie: d'abord celui de la gagner. Je me suis mise en auto-entrepreneuse afin d'être Community manageuse. J'aime organiser mon emploi du temps. Je n'aime pas les journées qui commencent trop vite et j'ai envie de pouvoir m'organiser comme j'en ai envie.

À côté de ça, je continue d'écrire pour barbi(e)turix, même si par manque de temps et d'inspiration j'ai mis de côté l'écriture des articles. Je suis également en train de finir le scénario de mon second film. Il fait partie de la même série sur l'amour et ce second opus parlera d'une rupture amoureuse.

J'avoue vouloir enchaîner avec les deux prochains avant septembre. On va voir :) Et j'ai plein d'autres idées par la suite de vidéos, de films courts ou de scénarios de longs mais chaque chose en son temps. :)

À côté de ça je fais un peu de photographie argentique et j'ai deux séries en cours qui peinent à se terminer par manque de temps: une sur ce que c'est d'être petite fille aujourd'hui et l'autre sur l'estime de soi.

Je crois que c'est à peu près tout. J'ai plein d'autres idées donc je ne serai jamais à cours de projets, c'est bien ça mon problème !

Et puis je veux continuer à pouvoir voyager un peu: Berlin et les USA restent mes destinations préférées. Je crois que j'aimerais y vivre...


© Instagram @sarahdevicomte

De quelle(s) manière(s) cela a-t-il pu se mettre en place quotidiennement ? D'ailleurs, peux-tu nous donner un aperçu de l'organisation d'une ou plusieurs de tes journées ? As-tu une journée-type ?

Oula, comment j'organise mes journées. Je n'ai pas de journée type: je jongle entre plusieurs boulots différents pour gagner ma vie. Je suis community manageuse en auto entreprenariat depuis peu, je suis vendeuse dans une boutique et je fais du baby-sitting. Faire différents jobs m'évite de m'ennuyer et j'ai horreur de la routine: faire le même trajet, voir les mêmes personnes, avoir le même déroulé d'une journée. Mais j'ai des routines perso et et je commence toujours les journées par un verre de jus de citron chaud et par boire un litre d'eau avant de petit déjeuner, et j'essaie de reprendre le rythme du yoga. Ce sont les seules choses que je fais de la même façon tous les jours. Le reste du temps j'essaie de m'organiser selon les semaines pour mener à bien les projets et répondre aux mails. Bon c'est pas très intéressant. Et je fais des Doodle pour voir mes potes en ce moment ;)


GENRES, IDENTITÉS & SEXUALITÉS


Enfin, dernière partie. Il est clair que tu es impliquée dans ces 3 thématiques, c'est pourquoi il paraissait évident de faire un point sur celles-ci. Alors voilà, peux-tu nous dire ce que signifie pour toi, « être une femme » ?

Pour moi être une femme c'est faire partie de cette population de personnes avec certes des identités, des parcours différents mais une oppression similaire patriarcale. À cela s'ajoutent les oppressions liées à la race ou à la religion mais les femmes sont une catégorie de la population qui sont constamment épiées, jugées, sexualisées, objectivées peu importe ce qu'elles font ou ce qu'elles disent. On est soit trop putes, trop prudes, trop déconstruites, pas assez déconstruites, trop épilées, pas assez épilées etc... On se permet des remarques sur notre physique constamment. Être une femme socialement c'est, pour moi, être constamment sur le point d'être jugée, appréhendée dans la sphère publique, c'est appartenir à cette sphère publique. Y échapper est très difficile, qu'on ait les cheveux longs ou rasés :(


Du genre masculin au genre féminin, en passant par les identité transgenres, genderfucking, genderfluid... peux-tu nous dire où tu te situes toi-même sur ce spectre?

Sur le spectre des identités de genre, je me considère comme une femme socialement, comme une gouine aussi, même si ce n'est pas une identité de genre, je le ressens parfois comme telle dans mon identité un peu Fem. Je suis perçue comme féminine dans la société mais je ne me considère ni féminine ni masculine en réalité, pour moi c'est beaucoup trop binaire. En revanche, je ressens des pics de virilité (ça m'arrive de temps en temps et ceux-ci n'ont rien avoir avec une quelconque masculinité.) Je ne me définis pas particulièrement mais je ressens que je suis une femme socialement, tous les jours.


Comme te définis-tu en tant qu' « assignée femme » ?

Même si dans mon ressenti je ne me considère rien du tout au niveau du genre, je ressens qu'il est important socialement d'être une femme afin d'être visible en tant que femme perçue socialement sans correspondre à tout ce qu'on pose sur les femmes.


© Instragram @sarahdevicomte


Quelle est ta vision du genre féminin ?

Ma vision du genre féminin, je n'en ai pas je crois.


Que penses-tu des féminismes ?

hum vaste question. Je trouve ça bien qu'il existe différents mouvements féministes, et il est important, voire, essentiel, que cette pluralité existe d'ailleurs. Je ne supporte pas les mouvements féministes qui paternalisent d'autre mouvements à coups de "mais ça c'est parce que vous n'êtes pas assez déconstruites ou parce que vous êtes aliénées". Aussi je trouve très important que certains mouvements féministes blancs et bourgeois reconnaissent que les femmes noires, les travailleuses du sexe ou non occidentales ne se reconnaissent pas dans leurs mouvements. Les femmes blanches occidentales hétérosexuelles et/ou cis n'ont pas les mêmes oppressions et problèmes que les femmes trans, lesbiennes, noires, musulmanes... Le mouvement féministe qui s'impose comme un mouvement universaliste, c'est l'idée que toutes les trajectoires et tous les combats sont les mêmes partout dans le monde. C'est une vision bien occidentale et coloniale du monde à laquelle n'échappent pas, hélas, les féminismes blancs bourgeois d'ici.


Exemples de féminismes intersectionnels


Dans quelle mesure peut-on dire que la société actuelle est sexiste ?

Tout est sexiste :) Notre société, notre culture, notre humour, nos blagues, nos séries TV, nos films, la littérature, les médias, la manière dont on appréhende ou parle des femmes, des hommes, la sexualité...tout ça est construit sur une binarité homme/femme, sur des visions essentialisantes des hommes et des femmes, sur l'objectivation des femmes, leur sexualisation, sur le mépris des femmes aussi, sur la culture du viol. Tout comme tout est construit sur le racisme. Et attention, je ne pense pas que ce soit juste parler de race qui soit raciste ou faire des clichés sur telle communauté, je pense simplement que c'est tout ce qui est ancré dans notre société, dans nos comportements les plus inconscients qui est raciste, parce qu'on baigne là dedans. On est tous racistes et sexistes. Après, il y a évidemment eu des évolutions - encore heureux- mais j'ai l'impression que la forme évolue sans que le fond ait véritablement changé. Malgré les lois, ou des littératures et films moins sexistes, on reproduit, partout, dans la sphère privée et publique, le comportement sexiste. C'est inconscient. En soi, ce n'est pas bien grave si on en a conscience, tout déconstruire est pour moi impossible, en revanche, s'interroger est essentiel. Par exemple, la culture du viol, un vrai fléau bien ancré dans nos consciences, toujours là; il faudrait nous sensibiliser au berceau à toutes ces problématiques là et changer tout le système scolaire pour évoluer vers des comportements moins sexistes... Je ne pense pas être pessimiste en disant cela, je pense juste qu'il faut être réaliste puis être positive sur l'avenir afin de continuer, tous les jours, à rendre cette société moins sexiste, raciste ou même spéciste, et cette évolution, elle commence par soi.


© Instagram @sarahdevicomte


De quelle façon, selon toi, serait-il possible d'y remédier ?

En nous prenant au berceau, en formant tout le personnel scolaire, éducatif, les profs, parce que les parents, on ne peut pas les former, ils ne sont pas des fonctionnaires de l'état, en revanche on peut toucher leurs enfants à l'école. Puis on peut tous les jours, faire remarquer le comportement sexiste de nos voisins collègues ou amis. Petit à petit, de nouvelles idées germent. Puis créer des médias plus divers, une autre littérature, étudier des écrivaines au lycée plutôt que des écrivains. Parler haut et fort dans les médias, ne plus avoir peur du mot féministe aussi, parce que ce mot est important. Il ne s'agit pas juste d'être pour l'égalité entre les hommes et les femmes il s'agit d'une véritable considération des femmes dans un monde qui les a toujours méprisées, tuées à petit feu. Il y a plein de choses à faire, je l'ai bien vu en intervenant en milieu scolaire pour SOS Homophobie, toutes nos petites actions ont un impact et c'est comme ça que les choses évolueront. En revanche si on pouvait faire une véritable révolution pour éradiquer le capitalisme, je ne serais pas contre. ^^ Pour le reste, je crois que la désobéissance civile marche très bien!


CARTE BLANCHE : Un dernier mot pour la route ? Un thème que tu aimerais aborder ? C'est par ici !


Je pense que c'est bien de terminer sur la révolution et la désobéissance civile. :)


Merci Sarah pour tes réponses..! On te souhaite une bonne continuation!

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