Petra Pied De Biche
Un blaze qui fait sauter les portes blindées du monde patriarcal où dominent des artistes majoritairement soumis à la grosse machine de l'industrie musicale. C'est à coup de textes satiriques et caustiques que Petra Pied De Biche dépeint le monde dans lequel nous évoluons tou.te.s : une France encore trop peu tolérante où règnent racisme ordinaire, domination masculine et étroitesse idéologique.
L'artiste sait manier les mots et les met en musique sur des sonorités singulières, à coup de basses et de distorsions synthétiques. Sa voix étonnante nous transporte dans son univers : la voie anarcho-punk libertaire affranchie du formatage politico-social commun. Un discours acerbe qui invite à cheminer au rythme des pistes de son album Barre de rire (juin 2015).
Artiste engagée
C'est sur scène, seule face au public, que Petra Pied De Biche prend une envergure qui détonne. Sa set list iconoclaste déploie un positionnement militant manifeste, rythmé par son jeu au clavier et par le beat de son charleston DIY.
Le ton est clair et incisif, parfois moqueur et railleur, toujours riche de sens. Petra Pied De Biche chante la cause des femmes, sans pour autant cloisonner son oeuvre au féminisme strico sensu.
Intersectionnalité
Le féminisme mis en lumière dans les chansons de Petra Pied De Biche est intersectionnel. Cette démarche tend à rendre compte des liens qui se nouent entre les formes de domination et de discrimination en partant du principe que le racisme, le sexisme, l'homophobie ou encore les rapports de domination entre catégories sociales ne peuvent pas être entièrement expliqués s'ils sont étudiés séparément les uns des autres.
Petra Pied De Biche joue de sa verve pour lever le voile sur le réel.
"Arachnophobie, agoraphobie, homophobie cherchez l'erreur, cherchez l'erreur.
Aquaphobie, clostrophobie, xénophobie, la peur n'est pas un alibi pour la haine."
(Crétinophobie, Barre de rire, 2015).
Oui, le genre féminin est victime de nombreuses formes de domination, et Petra Pied De Biche est le contempteur des privilèges de l'homme blanc, jeune, valide, cisgenre et hétéro. Certes, le format chanson ne permet pas de tout dire, mais l'artiste revendique son combat contre les représentations et les conventions sociales qui dénigrent les minorités.
"J'en avais envi, je me suis servi, j'en avais envie, je me suis servi.
Violeur, ordure, je n'attends rien de toi, ni de celles et ceux qui savent, ni de celles et ceux qui savent.
et t'invitent encore à bouffer, et t'invitent encore à causer politique, lutte des classes, société[...] comme si de rien n'était."
(Violeur, Barre de rire)
Non, les femmes ne sont pas responsables du viol - même si la grammaire française impose cette idée en filigrane, car ne dit-on pas "se faire violer" ? La cause est toujours l'agresseur qui impose sa violence bestiale, sans attendre un quelconque consentement.
"Tu ne comprends pas pourquoi je ne ris pas à tes blagues sexistes, à tes blagues racistes."
(Humour, Barre de rire)
Non, on ne peut pas rire de tout. L'humour sexiste, raciste, validiste et jeuniste s'exerce aux dépens des minorités. Ce sont toujours les mêmes qui rigolent et qui déterminent ce qui est drôle et ce qui ne l'est pas.
"Je ne veux pas, c'est comme ça, je ne veux pas, c'est mon droit."
"Encore un matin sans bébé, ça me plaisait déjà hier [...]"
(Bébé, Barre de rire)
Non, toutes les femmes ne rêvent pas de maternité et de bébés. Le statut de mère n'est pas forcément le nec plus ultra du genre féminin. Et quand l'enfant est désiré, ce sont les mamans qui sont victimes de la pression sociale concernant l'éducation de leur progéniture.
"Qu'importe mes lacunes en sciences domestiques, comme on me l'a appris le service est compris [...]
Maman boniche, chérie boniche, boniche ma fille,
Ma soeur boniche, cousine boniche, boniche ma biche."
(Boniche - voir clip ci-dessous , Barre de rire)
Non, le féminin n'est pas le genre assigné à l'intérieur de la maison, à l'intendance et aux soins. La sociologie et l'anthropologie ont déjà mis en exergue que la division du travail domestique était éminemment culturelle. La virilité n'est pas naturellement masculine et la douceur féminine n'est pas innée. Cette binarité ne fait qu'entretenir la domination des uns et la soumission des autres à l'insu de tou.te.s.
Petravolta
La lutte des minorités décrites dans les chansons de Petra Pied De Biche est un combat qui ne prête ni à rigoler, ni à s'amuser. Néanmoins, pendant ses concerts, elle parvient à faire passer ses messages avec un jeu scénique digne de Screamin' Jay Hawkins. Le ton de sa voix, ses éclats de rire tonitruants et sa gestuelle théâtralisent sa mise en scène et entraînent les sourires complices du public. Finalement, la symbiose est là : en écoutant Petra Pied De Biche, nous sommes uni.e.s, tou.te.s dominé.e.s que nous sommes, et prenons plaisir à tourner les dominants en dérision.
"Le pouvoir, s'il est amour de la domination, je le juge ambition stupide. Mais s'il est acte de créateur et exercice de la création, alors ce pouvoir, je le célèbre."
Citadelle (1948), Antoine de Saint-Exupéry
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