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L'anorexie mentale, un fardeau qui te porte.


tumblr @ fopk.tumblr.com

Cela faisait un petit moment que je songeais à écrire sur le sujet, abandonnant régulièrement, par peur, et appréhension. Et puis parce que ça me touche de trop près, que je n'en connais qu'un versant - le mien-, que chaque cas est particulier, et que l'idée de généraliser sur ce dit-sujet me donnait la nausée. Mais je vois de plus en plus de fictions/films aborder naïvement le sujet, de plus en plus de comptes twitter/tumblr thinspo, de plus en plus de filles se dire entre elles qu'enfoncer un doigt dans leur gorge et/ou bouffer des laxatifs est génial pour perdre du poids. Et tout ça... ça me donne véritablement envie de vomir, pour le coup. Parce que souffrant de troubles du comportement alimentaire, je suis automatiquement assimilée à ce mouvement pro-ana ; que j'ai honte d'en parler, déjà à la base, mais que les quelques fois où j'aimerais pouvoir effleurer le sujet, j'ai peur des jugements qui en découlerait. Qu'on continue de m'insulter (de "pauvre meuf en manque d'attention" ou de "putain d'ano qui devrait en crever" entre autres).


Et puis un jeune mec, que je suis sur twitter, a publié quelque chose sur la bipolarité, en en parlant non pas en tant que sujet à traiter, mais en y allant personnellement, et ça a plus ou moins fait tilt (avec du retard, comme toujours!).


Alors, je sature, et quitte à y penser régulièrement, autant en parler. Je précise que je parle en me basant sur ce que je connais, et que non, je n'ai pas la science infuse même sur ce sujet là - mais j'en connais tout de même suffisamment pour ouvrir ma petite bouche, ouais? je l'espère, en tout cas.


Donc. L'anorexie mentale, cette saloperie dont tu n'es pas forcément certain-e de savoir si tu en es toi-même le fardeau, ou si c'est la maladie qui pèse. Il faut déjà savoir que l'anorexie se divise en plusieurs catégories, (bien que cela soit plus complexe qu'il n'y paraît) :


  • L'anorexie restrictive, qui consiste à restreindre son alimentation au maximum, sans nécessairement avoir recourt aux vomissements, aux laxatifs ; la personne ne souffre pas nécessairement de crises de boulimie.

  • L'anorexie "vomitive", qui consiste à se restreindre également, et à se faire vomir après avoir mangé, même en de très faibles quantités.

  • (Et, je rajoute un troisième petit point, finalement : la boulimie. Sujet que beaucoup de personnes pensent connaître mais dont elles ignorent les méandres, puisque la boulimie est régulièrement confondue avec l'hyperphagie. La boulimie est, en soi, similaire à l'anorexie. Il s'agit d'un système de compensation constant dont le problème tourne autour de la nourriture et d'un déséquilibre alimentaire. Beaucoup de boulimique sont minces, voire maigres. Amy Winehouse souffrait de boulimie et était un petit gabarit, par exemple.)


Alors alors... l'anorexie mentale. Au final, je ne sais pas vraiment comment en parler. C'est relativement "vague", comme sujet. Mais une chose est sûre, certaine, et capitale à retenir : ce n'est pas un sujet qui peut être enjolivé. L'anorexie, c'est laid. Ce n'est pas une chenille qui se transforme en beau papillon. C'est une araignée énorme et moche à regarder, qui se multiplie et dont tu n'arrives pas à te débarrasser. Une araignée qui laisse des trucs pourris s'accumuler sur sa toile.


L'anorexie, ce n'est pas un magnifique vide dans le creux de ton ventre, qui te fait te sentir bien. Mieux. C'est l'impossibilité de manger, parce que tu n'es plus habitué-e, parce que ton petit cerveau en manque de sucre et de graisse s'enlise lui-même dans une certaine façon de penser. Et surtout, ce n'est pas qu'une question de poids. J'en ai connu, des filles souffrant d'anorexie, qui pesaient deux fois le mien. Qu'on pensait boulimique à cause de ça, et qui n'ont été prises au sérieux qu'une fois en route pour l'hôpital.


Déjà, dans anorexie mentale, il y a mentale. Apparemment les gens n'y pensent pas ou ne font pas assez attention aux termes exacts, mais voilà. Anorexie mentale pourquoi ? Parce que c'est dans nos petites têtes que ça commence. Il suffit d'être un peu fragile, de se prendre des réflexions désobligeantes, d'avoir une estime de soi au ras du sol, et boum. Et l'anorexie nourrit son mal-être malgré la perte d'appétit. On se hait, on ne se voit pas correctement, notre perception de nous-même est biaisée. On se voit comme des monstres de graisse, même si le poids continue de baisser. Parce qu'au final, le poids a certes son importance mais n'est pas au centre du problème. Le problème, c'est que notre vision de nous-même est modifiée et que l'on trouvera toujours quelque chose pour continuer. L'anorexie, c'est un chemin avec plein d'embûches, que tu dévales parce que tu t'en sens capable, non, parce que tu sais, que t'en es capable. Alors non. L'anorexie ne se traite pas seulement en reprenant du poids. Cela fait partie du processus, mais il faut une prise en charge psychiatrique en parallèle, pour évacuer, pour comprendre, pour savoir ce qui a été l'élément déclencheur et pourquoi cela a fait de nous des personnes fragiles au(x) comportement(s) auto-destructeur(s).


L'anorexie, c'est une petite panoplie de systèmes que tu développes au fil du temps. Comment éviter de manger, comment faire semblant, comment camoufler sa perte de poids, comment faire lorsque l'on craque, parce que la culpabilité est immense et que l'éventualité de s'éventrer paraît soudainement être une bonne idée. Combien de calories au maximum, combien de calories en moins après tel effort, combien de calories dans un aliment qu'on adorait avant, combien de calories dans un produit équivalent. Y a parfois des carnets, des listes, des trucs sur lequel on va pour se motiver. Pas pour propager l'idée, mais pour se

m o t i v e r, parce que dans notre tête, ça en vaut véritablement la peine. Y a parfois des TOC qui se développent. Je me souviens d'une phase durant laquelle je suis passée par ça ; durant laquelle je changeais l'organisation de mon frigo plusieurs fois par jour, durant laquelle je changeais les aliments de place sans arrêt. Quel objectif de poids - qui évolue en même temps que le dit-poids -, comment y arriver. Cela peut être un emploi du temps. Tout est une question de calcul, mais surtout, de contrôle. Le mot clé de l'anorexie, ou même des troubles alimentaires dans leur globalité, c'est celui-ci : le contrôle. Le contrôle sur la situation, le contrôle de l'alimentation et de ce qui l'entoure, parce que si tu contrôles ta nourriture, alors tu te contrôles toi.


Mais toute une facette de cette maladie n'est pas traitée. Une facette dont j'ai vu très peu de fictions, de films ou de personnes parler, finalement. Les carences, les faiblesses musculaires, les risques cardiaques, l'impact sur le long terme. Les trois possibilités, lorsque tu tombes dedans.


D'abord, il y a cette chose, romancée à bloc : l'automutilation. Chacun-e-s à ses raisons. Pour se punir, pour se sentir mieux, pour se calmer, pour avoir la sensation d'exister, pour avoir la sensation d'être toujours présent(e)..


Il y a aussi les carences. En fer, qui mènent à l'anémie, évidemment, mais pas que. L'anorexie sur le long terme peut entraîner des problèmes au niveau du système rénal, du foie, de l'estomac, du coeur. Les vomissements ne font pas nécessairement perdre du poids, mais le potassium en prend un coup. Ce qui maintient ton petit coeur déjà abîmé un peu en forme s'effondre. Les hypoglycémies répétées causent la perte de neurones, d'où les difficultés de concentration, d'apprentissage, les migraines, et le vieillissement du cerveau. Le système immunitaire s'effondre. Les bleus apparaissent plus rapidement.


Les faiblesses musculaires, les baisses de tension, les malaises, le coeur qui s'emballe, la tête qui tourne dans tous les sens, les mouvements incontrôlés, les difficultés à bouger.


Il y a évidemment l'aménorrhée, aussi. Ca paraît plutôt cool, au départ, de ne plus avoir ses règles. Et puis à la longue, c'en devient gênant. Tu ne sais pas forcément pourquoi mais ne pas savoir quand tes ovaires se remettront à fonctionner correctement ne rassure pas. Et sur le long terme, le risque de stérilité augmente. Impossibilité d'avoir des enfants parce que t'as trop longtemps voulu avoir le corps, le poids, d'une gosse de huit ans.


Les vomissements ont aussi d'autres impacts. Risque d'hémmoragie(s) interne(s) suite à leur fréquence. L'acide gastrique attaque les dents. Les laxatifs, quant à eux, ne font pas perdre de poids mais déshydratent. La perte des cheveux. Ces petits trucs, comme ça, qui te rendaient déjà belle/beau avant, mais que tu continues d'abîmer, parce que tu n'as même plus conscience de ta singularité et de ta beauté.


Et puis, pour certain-e-s anorexiques, il y a les crises de boulimie. C'est un enfer. La compensation qui en découle est mélangée à la frustration, à la colère et au dégoût. On s'en rend malade ; encore plus qu'on ne l'est déjà.


Et enfin, les trois opportunités qui s'offrent à toi, une fois que tu es tombé-e dans ce cercle vicieux :


  • En sortir complètement. Savoir que ta vie a été chamboulée, mais continuer d'avancer en sachant qu'il faut que tu t'aimes et que tu prennes soin de toi.

  • L'anorexie chronique. Tu t'en sors, puis tu replonges, puis tu en ressors et tu replonges encore.

  • La mort. Par suicide, ou pour tout ce que j'ai cité avant. Parce que ton corps n'a pas supporté que tu perdes autant de poids, que ton coeur n'a pas tenu le choc, que tu t'es ruinée de l'intérieur parce que tu voulais que l'extérieur soit parfait mais que rien n'était jamais suffisant. Parce qu'en refusant de manger tu as approvisionné ta propre haine avec le vide.


A chaque fois que je pense à mon anorexie, je pense au livre d'Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray. C'est vouloir être parfait de l'extérieur alors que tout ce qui est en toi est en train de pourrir, comme la pomme que t'as laissée traîner au fond d'un sac après avoir fait semblant de la manger.


Et puis, on ne parle pas des prises de sang régulières, du suivi, du poids surveillé, des médicaments à prendre, des compléments alimentaires, du poids de l'entourage, qui te sort des phrases bateaux ou qui s'énerve, parce qu'il ne comprend pas que "manger" soit devenu si compliqué. Parce que "l'appétit vient en mangeant". Parce que c'est ridicule de fixer un morceau de salade dans ton assiette ou de la découper pendant dix minutes sans y toucher.


Il y a tellement de choses à dire sur le sujet. Tellement de choses à aborder que j'ai la tête qui tourne, de trop y penser. Mais moi, ce que je sais, c'est qu'après toutes ces années, je n'aperçois toujours pas le bout du tunnel, et qu'à chaque fois que j'ai l'impression de m'en sortir, je replonge de plus belle, parce que le déni est pire que tout et que cette maladie est faite de déni.


Je ne sais honnêtement pas si j'en reparlerai aussi clairement un jour, si j'aborderai le sujet de la boulimie en profondeur, ni si je parlerai des autres TCA méconnus, en revanche, je sais que j'en ai assez de lire autant de conneries sur le sujet, et qu'il est temps que les gens se rendent compte que cette maladie est un cauchemar, et qu'un garçon/une fille/autre ne suffira pas à soudainement te faire sortir de tout ça, comme dans tous ces livres à la con et fantasmes qui circulent sur la toile. Tout simplement parce que ce ne sont pas les autres qui t'extirpent de l'anorexie, mais toi qui doit trouver la motivation pour sortir de la tombe que tu as commencé à te creuser.


Et je rajouterai enfin, pour toutes ces personnes qui partagent des photos et gifs de filles en train de vomir en n'y connaissant strictement rien, que non, ce n'est pas joli, ni un tête à tête avec tes toilettes, accompagné d'une petite chanson en fond sonore pour bien faire mélo-dramatique. C'est des larmes, de la morve, de la bile et le contenu de ton estomac ; tes bras qui tremblent, ta gorge qui brûle, et un sentiment d'impuissance insupportable. C'est pas beau. C'est aussi laid que le reste.


Cet article est décousu, je m'en excuse d'avance, mais je ne savais pas vraiment comment l'organiser. Il n'est pas complet non plus, puisque comme dit précédemment, ce sujet est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Et surtout, je m'excuse d'avance, et sincèrement, si j'ai offensé qui que ce soit. J'ai tenté d'en parler à partir de mes connaissances sur le sujet, et bien évidemment, nous sommes tout-e-s différent-e-s, avec des raisons différentes, et des moyens différents. En revanche, si certain-e-s lisent ceci, j'espère que vous vous en sortirez bientôt et que tout ira bien par la suite. Bon courage.


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