Rencontre avec Lydiane Ka
Jeune artiste-auteure passionnée par le dessin, Lydiane Ka illustre des albums et réalise des tatouages. Elle nous invite à découvrir son univers artistique qui mêle Nature et Fantastique.
PRESENTATION
Peux-tu te présenter en quelques mots ? J’ai 28 ans. J’habite et travaille à Metz mais j’aspire à aller voir ailleurs si j’y suis ; surement à l’étranger, dans de très courtes années. Mon rêve est d’avoir un poney rien qu’à moi.
©Lydiane Ka
PARCOURS ARTISTIQUE
A quelle période de ta vie as-tu réalisé que tu désirais faire du dessin ton métier ? Je n’ai jamais vraiment voulu faire du dessin mon métier, ça s’est imposé à moi. Mais plusieurs fois par semaine? je doute de moi et me demande bien pourquoi je me suis lancée dans cette aventure, certes riche et passionnante, mais tellement stressante et précaire.
©Lydiane Ka
Après les années lycées, tu as intégré l'Ecole d'Art de Metz. Que retiens-tu de ses années ? As-tu trouvé ton style graphique de part ton cursus en école ? Je n’ai pas grand chose à retenir de ces années, mis à part que j’y ai rencontré mon chéri. J’ai développé mon style graphique avec mon éditrice, Claire Pelosato, qui croit en moi et me propose souvent des projets enrichissants.
©Lydiane Ka
Quels artistes t'ont inspiré - et t'inspirent encore ? Il y en a TELLEMENT. Etrangement, peu sont issus du milieu de l’image. J’admire les artistes qui ont un univers complet et qui arrivent à toucher un large public. Les mauvaises langues parleront d’artistes commerciaux, mais je trouve qu’il faut une grande intelligence pour marquer les consciences. Depuis toute petite, je me délecte de l’univers de Bartabas, alliant un travail presque éthologique à un monde artistique. J’ai toujours été passionnée par la vie de Léonard de Vinci qui, en plus d’être un génie, faisait énormément la fête et avait une vie presque simple et légère. Björk me fait rêver avec ses albums conceptuels et cette envie de donner envie de découvrir la musique. J’ai été aussi incroyablement surprise par l’œuvre de Matthew Barney,Cremaster. La légéreté de Philippe Katerine m’étonnera toujours (je le trouve tellement intelligent et surprenant). Koralie et Supakitch, de part leur amour et leur art, me font rêver et m’inspirent beaucoup. Et il y en a encore tellement, tellement d’autres… Terry Guilliam, Tim Burton, Maiwen, Mucha, Houellebecq, Vian...
©Lydiane Ka
Quels ont été tes premiers projets à l'issue des années de formation ? Durant mes études, j’ai sorti mon premier livre avec une maison d’édition lorraine, L’Esprit des forêts, puis j’ai travaillé pour les éditions Gulf Stream. Trois jours après l’obtention de mon diplôme je remportai un concours d’illustration avec les cahiers de la marque Oxford.
©Lydiane Ka pour Oxford
Tu te définis comme une "illustratrice pour petits et grands". De quelle manière t'es venu le penchant pour le dessin Jeunesse ? Le dessin Jeunesse est venu à moi bien avant tout le reste. Je suis et reste avant tout une passionnée de lecture. Ce sont mes parents qui ont développés cette passion chez moi. J’essaie de lire au moins un livre par semaine. Petite, je passais mon temps à parcourir les pages des romans ou des bandes dessinées. Le livre et la lecture sont très importants pour moi, si bien que je me porte bénévole pour des salons du livre (quand je n’y suis pas en dédicace) pour partager ma passion avec les enfants et faire des lectures publiques.
©Lydiane Ka
En novembre 2011, tu exposes pour la première fois à Amiens, à la galerie l'Enfance de l'Art. Qu'est-ce que ce premier vernissage a représenté pour toi ? Pas grand chose, ça n’a pas vraiment donné suite à des choses intéressantes...
©Lydiane Ka
A ce jour, tu es très prolifique dans l'élaboration d'oeuvres sur papier. Tu es aussi très présente et dynamique sur les réseaux sociaux (Blogspot, Tumblr, Facebook, Pinterest...). Comment envisages-tu la suite de ton activité artistique ? Je ne sais pas trop. Je me laisse guider par les rencontres que je fais. En ce moment je suis vraiment dans une optique de travail et de perfectionnement, à la façon d’un artisan, pour réaliser des tatouages de meilleure qualité et plus sophistiqués. Mais j’ai de plus en plus envie de retourner à l’univers du livre et de travailler surtout à l’élaboration de romans.
©Lydiane Ka
L'appellation "artiste" te convient-elle ? Peu importe l’appellation, tant que je suis satisfaite de mes réalisation, ou que le "public" en est satisfait.
©Lydiane Ka
DU PAPIER A LA PEAU
Entre 2011 et 2012, tu as une idée en tête qui ne lâche pas : te lancer dans la pratique du tatouage. Tu lances une campagne de financement participatif sur Ulule ("La peau décorée") pour suivre une formation d'hygiène et soins. Etait-ce la corde qui manquait à ton arc pour te lancer dans le milieu de l'encre ? Oula ! Non ! Pas du tout ! Cela m’a seulement permis de trouver un bout de bois pour m’essayer au tir à l’arc… La corde à mon arc, je la cherche encore ! C’est un métier de patience.
Tu avais déjà des connaissances dans le milieu pour t'aiguiller, te former et t'appuyer dans ton projet ? Absolument pas. Mais j’ai des amis formidables qui m’épaulent et me soutiennent au quotidien.
©Lydiane Ka
Comment ça s'est passé la première fois que tu as touché un dermographe ? Et quand tu as tatoué de la "vraie" peau ? Ce n’était pas vraiment glorieux… Je me suis dit que je n’y arriverai jamais. Je suis toujours dans l’impulsion. Là, pour la première fois, je devais me canaliser, dompter mon trait. La première peau que j’ai tatoué était celle de mon chéri. Il lisait tranquillement un bouquin pendant que je suais à grosses gouttes… Pas vraiment magique comme souvenir !
Par quelles étapes es-tu passée avant de pouvoir t'épanouir auprès de ta propre clientèle ? Je suis encore en plein dans les étapes. Beaucoup de projets me terrifient quand je les dessine, je me dis « mon dieu mais je ne vais jamais y arriver ». Souvent, la phase tatouage est un peu comme un challenge. Je suis tout de même de plus en plus calme et sereine durant les séances. Ca, je le dois à mes clients. Ils sont toujours adorables, patients et souvent ils reviennent me voir. J’entretiens de magnifiques relation de confiance avec nombre d’entre eux. C’est passionnant.
©Lydiane Ka
Comment définirais-tu ton style ? Je dirais graphique, chargé, un peu comme des gravures de vieux livres d’enfants.
©Lydiane Ka
As-tu déjà fait des Conventions ou comptes-tu en faire ? Non pas encore. Peut-être, si on m’en donne l’occasion, mais je n’estime pas avoir encore le niveau nécessaire pour me confronter aux pointures qu’on peut y rencontrer.
©Lydiane Ka
Quelle est la demande la plus étrange qu'on t'aie faite en matière de tattoo ? Ahah ! Claire Lahuerta (avec qui j’ai travaillé par la suite) m’a demandé une limace. Et c’est très con mais…J’ai la phobie des limaces et des vers de terre… Oui je sais c’est stupide, surtout quand on aime jardiner comme moi. Sinon rien de bien étrange, surtout de jolis projets.
©Lydiane Ka
Et quel est ton meilleur souvenir de projet avec un client ? Il y en a TELLEMENT. Chaque projet est une rencontre avec un personnalité, une histoire… Je travaille sur un projet très touchant en ce moment. Je réalise le portrait d’une jeune femme décédée par la maladie, et sa sœur va porter cette pièce sur son bras. En général ce genre de pièce, que l’on porte après la perte d’un être cher, me touche énormément, et c’est en cela que je trouve le métier de tatoueur extraordinaire.
Je suppose que tu es toi-même tatouée. A l'avenir, y-a-t-il un artiste en particulier dont tu aimerais le dessin sur ta peau ? Dans l’idéal, j’aimerais que ma prochaine pièce soit réalisée par Morgane Mangetesmortsky, sur Strasbourg.
TATOUAGE & GENRES
Tout d'abord, quel est ta représentation de la place des tatoueuses dans un milieu dont 85 % des artistes sont des hommes (d'après une étude de la sociologue Valérie Rolle) ? Etrangement, je suis surtout le travail de femmes. Que ce soit Morgane, Maud Dardeau, Doodie Alix, Teresa Sharpe, Caroline Keranine ou Megan Massacre. Femme ou homme, peu importe qui se cache derrière le dermographe ou le stylo. Je trouve que, dans le tatouage, il y a moins de clivage homme/femme que dans la BD/illustration jeunesse.
Le 24 janvier dernier, Claire Lahuerta et toi étiez invitées par le FRAC de Lorraine dans le cadre du festival ANIMAL.ES, pour parler des représentations du corps queer.
Que représente le "corps queer" pour toi ? Pour moi, c’est avant tout un corps que l’on fait à son image, que l’on modèle suivant sa personnalité et ses expériences de vie. Une façon d’accorder son corps et son esprit et de ne faire qu’un.
©Lydiane Ka
"L’émergence de nouvelles créatures hybrides marque le symptôme d’une métamorphose vers un devenir animal-homme. Elle redessine un corps queer, déjouant les assignations de genre." En quoi peut-on dépasser la dichotomie masculin/féminin par le biais du tatouage ? Comme le démontrait Claire durant la conférence, on retrouve des motifs dits « masculins » car ils représentent la force et la virilité sur de fragiles bras féminins, et on peut retrouver des papillons sur des corps viriles. Les codes s’effacent. La personnalité prend le pas sur eux. Parfois, seul le côté esthétique prime. Tout cela est vraiment la représentation de notre société actuelle : plus vraiment de mode, de style, (malheureusement, même de réflexion), tout se mélange. On a l’impression de devenir des sociétés de fourmis ou d’abeilles.
©Lydiane Ka
Concrètement, si, demain, une personne te présente un projet dans le but de s'affranchir de son genre biologique... Que lui proposerais-tu ? Une mue de l’esprit et une seconde peau ?
CARTE BLANCHE : un dernier mot pour la route ? Que ce soit par une phrase, un texte, une illustration ou un tatouage, j’espère pouvoir toucher les gens ou leur apporter un peu de poésie. C’est mon seul but dans la vie !
©Lydiane Ka
Pour plus de détails sur le travail et les projets de Lydiane Ka :