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Le néo-masculinisme : dérive radicale du sexisme ordinaire.

Ces derniers mois, une minorité d'hommes traditionnalistes et réactionnaires a beaucoup fait parler d'elle, suite aux récents propos de leur leader, le bloggeur américain Roosh V (aka Daryush Valizadeh). Ce dernier diffuse sa propagande phallocrate, sexiste et anti-féministe sur le web depuis une dizaine d'années. En octobre 2015, le néo-masculinisme a pris une nouvelle dimension avec l'avènement d'un mouvement radical, fondé et mené par Roosh V, appelé Return of the Kings. Avec la médiatisation massive dont Valizadeh a été l'objet et le ralliement mondial de tous ses adeptes, nul doute que la tendance masculiniste questionne, intrigue et séduit - malheureusement - de nouvelles personnes en quête identitaire...

Quelles sont les bases idéologiques du néo-masculinisme ? En quoi constituent-elles un danger dans le combat pour l'égalité des genres ? Est-il encore possible de lutter contre le sexisme à l'heure où la légitimité des collectifs féministes est remise en cause par une oppression systémique ?


© Nina Luec pour Franceinter.fr

MASCULINISME ET NEO-MASCULINISME


A partir du milieu du XXème siècle, le féminisme n’a pas échappé aux controverses : la lutte pour l’égalité économique, sociale et civique des sexes avait ses partisans et ses détracteurs. Cependant, les revendications masculinistes, ouvertement affichées sur le web ou dans les rues, incarnent moins des valeurs progressistes qu'une idéologie rétrograde. Il semblerait que les antiféministes aient enfin trouvé leur voix dans un mouvement masculiniste patriarcal.


Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, co-auteurs du livre Le Mouvement masculiniste au Québec : L’antiféminisme démasqué, notent que le masculinisme est «un discours prétendant que les féministes et les femmes dominent une société dans laquelle les hommes sont efféminés et n’ont plus de rôle significatif à jouer». Ainsi, sous le masque de doléances égalitaristes, les fervents défenseurs du masculinisme prônent un discours anti-féministe et homophobe radical.


C'est dans ce contexte que les plus extrêmes partisans de l'idéologie masculiniste ont trouvé en Roosh V le parfait leader pour promouvoir leurs principes. Charismatique, loquace, populaire sur les réseaux sociaux et ne reculant devant rien, ce dernier milite activement pour le retour au pouvoir du mâle alpha, cet homme idéal que tout le monde envie et respecte - le nec plus ultra de l'Humanité.


©Change.org

"Combien de "non" avant de rentrer dans un vagin ?"

"Je n'étais pas excité, comme à chaque fois que je regarde une scène de viol"

"Il faut légaliser le viol conjugal"

Sur son site internet personnel, Roosh V est très clair sur les idées et les croyances qui guide sa philosophie néo- masculiniste. Il affirme que les différences génétiques (physiques et neurologiques) entre les hommes et les femmes impliquent un partage de leurs rôles sociaux. De plus, il soutient que la crise de la famille nucléaire est liée à la libération de la femme, car ses "comportements négatifs" (libération sexuelle, homosexualité..., ndlr) sont néfastes pour l'institution familiale. Pour lui, les traditions passées et les valeurs patriarcales doivent être rétablies pour protéger la famille... et les Hommes. Sans cela, la monogamie hétérosexuelle serait en péril. En outre, Roosh V soutient que la valeur des femmes réside dans leur beauté et leur fertilité alors que celle des hommes s'évalue à l'aune de leur intellect, de leurs ressources et de leur force de caractère. Enfin, il s'attaque à toutes les personnes non-hétéronormées, notamment les "hommes efféminées" et androgynes, qu'il présente comme une menace redoutable. Il conclue en couvrant d'opprobre la justice sociale, le socialisme et le(s) féminisme(s), accusés de détruire l'unité familiale.

Voilà donc à quoi ressemble le cheval de bataille des néo-masculinistes : sélectionner des boucs-émissaires pour faire valoir la nécessaire domination hétéropatriarcale, seul garde-fou pour préserver le pouvoir des Hommes.


Le samedi 6 février 2016, Roosh V comptait organiser un rassemblement international - interdit aux femmes, aux gays et aux transgenres -, dans 43 pays différents. Son objectif ? Militer ouvertement pour rendre visible le combat des masculinistes et son discours pro-viol, anti-féministe et homophobe. Suite à une importante mobilisation proféministe contre ce projet sur internet et à l’action de certains gouvernements (notamment en France), Roosh V a finalement annoncé l’annulation de tous les rassemblements prévus. Deux rendez-vous étaient prévus en France : à Nantes et à Paris. La secrétaire d’Etat aux droits des femmes à fait savoir qu’elle n’aurait “pas laissé de telles manifestations se tenir sur le territoire“.


Cette décision gouvernementale, appuyée par un engagement civil via la signature électronique de pétitions, était absolument indispensable pour lutter contre les dévoiements nocifs de Roosh V. En effet, ce dernier n'a de cesse d'exprimer des idées malsaines qu'il défend avec ferveur.

Par exemple, il a émis une idée pour “éradiquer le viol” : le légaliser dans la sphère privée. “Si le viol devient légal, une fille n’entrera plus jamais dans une chambre avec un homme qu’elle ne connaît pas à moins d’être absolument sûre qu’elle est prête à coucher avec lui. [...] En essayant d'apprendre aux hommes qu'il ne faut pas violer, nous avons en fait appris aux femmes à ne pas craindre d'être violées, à ne pas se protéger de ces actes prévisibles et à ne pas assumer la responsabilité de leurs actes"". Son blog est rempli de conseils - destinés aux hommes - pour “choper” : “arrêtez de demander la permission“. Il plaide donc ouvertement pour la culture du viol et pour le "ramassage des filles", leur consentement n'étant, à ses yeux, qu'un concept très secondaire - voire inexistant.

Le titre d'autres articles publié sur son site sont effroyables : “Comment convaincre une fille d’avorter ?“, "Cinq raisons de rencontrer une fille qui a des troubles alimentaires" ou encore "L'infériorité intellectuelle des femmes". Il a même organisé une "Fat shaming week" destinée à manipuler les femmes pour les inciter à perdre du poids...

Hoministe, grossophobe, violent, sexiste et pro-viol, Roosh V se positionne comme le chantre de l'homme blanc, cisgenre, hétérosexuel dominant et légitime l'asservissement des femmes.



Se définissant comme un "pick-up artist" - coach en séduction -, Roosh V va toujours plus loin et ne craint pas la démesure. Il avance et jalonne son terrain, et sa rhétorique bouscule nombre de questions cruciales en termes d'égalité, de droit et de respect. Ses sorties médiatiques et ses attaques ad hominem sont les preuves criantes que nous avons tou.t.es besoin du féminisme pour protéger les valeurs du vivre-ensemble et les libertés fondamentales.


UN DISCOURS ORDINAIRE


Outre les dérives extrêmes du néo-masculinisme, il est patent que la problématique du sexisme - plus ou moins radical - nous touche tou.te.s, et ce, quotidiennement. Ainsi, la question suivante se pose : le(s) féminisme(s) doi(ven)t-il(s) VAINCRE ou CONVAINCRE ?


Le féminisme n'est pas une guerre CONTRE les hommes et ne cherche pas à leur nuire ; les hommes ne sont pas exclus du discours féministe, bien au contraire ! Il s'agit d'un combat, mené PAR et POUR les femmes - et celleux qui se définissent comme proféministes - pour que tous les individus soient à même de se définir librement, quel que soit leur genre, leur âge, leur apparence, leur origine éthnique et leur milieu social (on parle alors de "féminisme intersectionnel"). Et ce féminisme est loin d'être une posture éthique obsolète... Certes, la masculinité connaît une période de "crise" postmoderne (souffrance des hommes dans le monde du travail, précarisation de l'identité masculine, "nouveaux pères", place dans le couple...). Mais ce fait social n'incombe pas aux femmes. Les féministes ne sont pas des gorgones castratrices, hystériques, prêtes à émasculer les hommes pour accéder aux sphères de pouvoir. NON. Ces croyances imposent de repositionner les faits. Les statistiques prouvent de manière objective que l'égalité des genres est encore un idéal (différences de traitement en terme de salaires à poste équivalent, accession à des postes clés dans les administrations publiques et dans les entreprises, sexisme académique dans les universités, culte de la femme-objet dans les publicités...).


De plus, les témoignages de femmes en matière de mysoginie, de harcèlement et de sexisme ordinaire sont légion. Est-il nécessaire d'établir un argumentaire plus détaillé pour prouver que le féminisme, loin d'être obsolète, est indispensable ?


©PayeTaShnek


LUTTER CONTRE LES OPPRESSIONS SYSTEMIQUES


Le sexisme ordinaire perdure, est c'est une réalité pernicieuse. Le paternalisme larvé et les agressions mysogynes, dont le spectre de violence est varié, le prouvent par A + B. Des hommes renforcent des dogmes totalement arbitraires (comme ceux de punir ou de censurer la nudité et la pilosité féminine), et ils ne le font pas parce que c’est rationnel. « C’est comme ça », disent-ils d’un ton catégorique.


Ces normes arbitraires bougeront lorsque des publicités sans pilophobie seront réalisées, lorsque des films mettant en scène des corps réalistes seront produits, lorsque l'éducation nationale sensibilisera les enfants, et ce dès le plus jeune âge, à ces problématiques. Le patriarcat est l’expression du pouvoir des hommes sur les femmes, et c’est en rétablissant la balance de pouvoir que les femmes s'émanciperont.


Le 2 février dernier, la députée socialiste Marie Le Vern a signalé la disparition de l'amendement (article 14) sur le harcèlement dans les transports en commun qu’elle avait fait adopter à l’Assemblée nationale dans le cadre de la loi relative à la sûreté dans les transports publics. Sous la pression des milieux féministes, députés et sénateurs l'ont rétabli le mercredi 10 février.


De quoi s'agissait-il ? L’article 14 introduisait, parmi les missions des autorités organisatrices des transports, des actions « de recensement, de prévention et de lutte » relatives au harcèlement sexiste, pour lesquelles il prévoyait des formations, comme on peut le lire sur le site de l’Assemblée nationale. Lors de l’adoption de la proposition de loi par les députés, le 17 décembre, Philippe Duron (PS), s’était félicité de cet amendement, estimant que « la mesure fera date ».


Marie Le Vern s'est réjouie du rétablissement de l'amendement, jugé crucial pour sensibiliser les agents de transport aux agressions sexistes. Regards insistants, sifflements, propos ou comportements à connotation sexuelle, dégradants et humiliants, attouchements, caresses, frottements... C'est en définissant les comportements sexistes et en les détectant qu'il sera possible de conduire les harceleurs invétérés en justice.


En somme, qu'il s'agisse de sexisme ordinaire ou de dérives plus extrêmes à l'image des théories bancales néo-masculinistes, il est vital de continuer à se postionner contre les attaques misogynes et à s'affirmer en tant que personne libre et émancipée. Féministe, proféministe, anarchiste, abolitionnsite, libertaire... Le combat est le même : lutter contre les oppressions systémiques aliénantes, revendiquer les libertés fondamentales et militer en faveur de l'équité dans une société composée de multiples identités hétérogènes.


«Jusqu’à ce que les hommes et les femmes arrivent à l’équité et aux droits sociaux dans les milieux de l’éducation, de l’emploi, du statut familial et de l’accès aux services de santé, il y aura toujours du travail à faire», affirme la canadienne Sarah Burns, professeure à McGill et coprésidente du Senate Subcommittee on Women. «Personne, homme ou femme, ne doit se complaire dans la situation actuelle», conclut-elle.


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