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Intersexion: "Is it a boy? Is it a girl? What if it's neither?"

A l'heure où s'ouvrent les discussions et débats sur les questions relatives à la dynamique des genres, de la définition et de la redéfinition de Soi (notamment au travers de la transidentité), il semble plus actuel que jamais d'éclairer un point souvent laissé dans l'ombre au regard du public et pourtant sujet à de nombreux mythes: l'intersexuation. Il est donc temps de lever le voile sur une réalité trop souvent ignorée! A l'approche de la projection du film Intersexion à l'Utopia de Bordeaux (22 Février), dans le cadre d'une soirée-débat, nous interrogeons Mathieu Le Mentec, membre de l'Organisation Internationale des Intersexes et co-organisateur de l'événement.


Intersex Flag


INTRODUCTION


Juste pour être sûr-e, quel terme préfères-tu employer : intersexuation ou intersexualité?


J’utilise différents termes en fonction des sens que je souhaite donner… L’intersexuation, je dirais qu’il s’agit d’une condition biologique entre le pleinement "mâle" et le pleinement "femelle" . Donc je parle d’"enfant né en situation d’intersexuation". L’intersersexualité est, il me semble, une catégorie historiquement médicale que je n’emploie pas, mais certaines personnes inter* l’utilisent … En situation de militance, j’aime utiliser cette formule: « Le Je qui vous parle est le Je d’un militant intersexe, autrement dit de la catégorie politique intersesexe ». Je ne ressens pas le besoin d’essentialiser ma condition d’intersexuation comme une identité.


Par ailleurs, il m'a semblé que tu te faisais genrer au masculin, est-ce que cela te convient? En général, j'ai tendance à dégenrer mes phrases mais au cas où, je préfère m'en assurer auprès de toi.


Je me genre au masculin par habitude incorporée depuis mon enfance. La bataille n’est pas ici. Je suis autant infirmière qu’infirmier, j'ai été boxeur et j'aimerai être danseur. Je crois poursuivre les propositions d’Irène Théry (sociologue à l'EHESS) que le genre est avant tout une question relationnelle . Le sujet du je ne se pense pas en terme de genre. Je dégenre aussi souvent mon discours et mes phrases quand les formules sont simples, ou je redouble le genre (tous-toutes, il-elle , elles-ils... etc. Cela dépend du sens ).


PRÉSENTATION


Peux-tu te présenter en quelques mots ? Quel a été ton parcours jusqu'à présent ?


J’ai 37 ans, je vis à Bordeaux, je suis infirmier en pédiatrie, où je m’occupe de pédopsychiatrie... Vaste objet, et peu de moyens. J’ai donc un diplôme d’infirmier, j’ai poursuivi mes études en reprenant un DEUG de psycho puis une Licence de socio et, effectivement, un Master en Anthropologie de la Santé.


J'ai aperçu que tu avais fait des études à l'EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales), comment cela s'inscrit-il dans ta manière d'appréhender l'intersexuation ?


Ma formation à l’EHESS participa à la libération de ma parole militante. En effet, un des apports fondamentaux des sciences sociales est d’aider à la déconstruction des évidences sociales. Or, la question du sexe fait partie de ces construits sociaux extrêmement forts qui méritent que l’on s’y penche. C’est très actuel dans les disciplines académiques avec les gender studies. Mais cela a du mal à traverser certaines frontières académiques, dont celle de la médecine. Et nous voyons aussi les difficultés que les questions de genres, de sexes et de sexualités posent sur la scène politique et dans la société en général.


PARCOURS MILITANT


Cela fait quelques temps que l'on se met à parler des problématiques liées aux identités de genre, de la transidentité, etc, mais l'on entend encore peu parler de l'intersexuation, que penses-tu de ce phénomène ? Peux-tu nous définir les termes et préciser les enjeux qui te paraissent essentiels sur cette question ?


L’émergence d’une militance intersexe n'est pas si récente que cela (en 1992 aux États-Unis). Cela s’institutionnalise en 1996 avec la création de l’ISNA (Intersex Society of North America) et se déploie et se divise (comme souvent dans les milieux militants).

Pour qu’émerge la parole inter* , il fallait du temps et beaucoup de courage et de force... Cette parole est liée à la souffrance, aux traumatismes subies dans l’enfance, et il n'y avait pas de mots pour le dire... Car comme l’a très bien dit Vincent Guillot (co-fondateur de l'organisation internationale des intersexes, ndlr), le paradigme dans lequel les inter* sont pris c’est de « Ne pas avoir le droit de dire ce que l’on nous a pas dit que nous étions ». Aussi, il fallut que les enfants inter* mutilés soient grands pour pouvoir prendre la parole et construire un discours audible sur la scène sociale. Les opérations chirurgicales systématiques de conformations sexuelles ont été mises en œuvre dans les années 60 en Occident. Par la bio médecine, à partir des théories de Money (psychologue et sexologue néo-zélandais ayant introduit le terme de « rôle de genre » (gender role), ndlr) et de l’existence de technologies pharmaceutiques (les hormones de synthèse) et la chirurgie.

La médecine faisait ces horreurs sans publicité avec un discours de technicien tout puissant... Sans se préoccuper des conséquences sur les personnes mutilées..., et ces personnes inter* esseulées, car ils (les médecins) disent toujours que nous sommes exceptionnel-le-s et qu’il n'y en a pas d’autres sur terre.... Une des contingences qui fait émerger la parole inter*, c’est l’arrivée d’internet à grande échelle, qui réduit un certain nombre de distances et qui permet des rencontres virtuelles en premier lieu, avant des rencontres réelles, comme celle que nous voyons dans le film Intersexion en 1996.


Vincent Guillot, sur le plateau de La Nouvelle Édition, Canal +


Depuis quand t'impliques-tu dans la cause des personnes intersexes ? Quelle est la signification de ce combat pour toi ?


J’ai pris la parole pour la première fois en novembre 2014 au sein du centre LGBT (Lesbien, Gay, Bi, Trans, ndlr) de Bordeaux, à la recherche d’autres inter*, ayant déjà lu des articles. J’étais le seul du coin et on m’a envoyé voir l’association d’auto-support trans (Trans 3.0, ndlr) au sein de ce centre. J’ai fait de belles rencontres et j’ai commencé à me construire un discours militant.


Je suis impliqué de fait par ma naissance, qui a posé problème à la médecine, et uniquement à elle !!!


Tu es actuellement membre de l'OII (Organisation Internationale des Intersexes), que peux-tu nous dire à ce sujet ? Quelles sont leurs actions ?



Le travail de militant est en premier lieu de faire de la visibilité pour les personne inter* . Il faut qu’on arrête de laisser des personnes seules dans leur coin avec des histoires médicales catastrophiques, des familles déchirées, des enfants mutilés. Et puis, il y a un travail extrêmement important autour des droits humains. L’ONU reconnait que les opérations chirurgicales peuvent être définies comme de la tortures et des mutilations. Car la grande majorité de ces interventions ne présente pas de nécessité médicale, autrement dit la santé des enfants n’est pas en jeu !!! Il s’agit d’interventions esthétiques pour maintenir la binarité des sexes et l’hétéronormativité !!!

Aussi, nous allons témoigner dès que possible dans les instances politiques : ONU, conseil de l’Europe, bientôt au Sénat français..., pour que cela se sache et qu’on arrête le massacre !! Car la médecine en France est très puissante et « infaillible » !!!

Il faut qu’il y ait une reconnaissance du massacre sur les personnes inter* et des réparations. Après cela, on éduquera les docteurs à faire de la médecine (ironie), à savoir travailler à soulager les personnes, à les soigner et non pas à les normaliser !!


PROJECTION SOIRÉE-DÉBAT « INTERSEXION »


Affiche du film Intersexion

Prochainement, tu participes à l'organisation d'une soirée-débat autour de la projection du film Intersexion, de Grant Lahood (le 22 Février à l'Utopia de Bordeaux), peux-tu m'en dire quelques mots ?

As-tu déjà eu l'occasion de sensibiliser des publics par le cinéma ? Ou par d'autres médiums artistiques/ intellectuels ?


J’ai déjà fait une soirée-débat au Girofard (Centre LGBT de Bordeaux, ndlr) avec ce même film, j’ai fait une projection à l'Arc En Ciel de Toulouse (Centre LGBT, ndlr), nous allons aller à Grenoble en Avril...et partout où cela sera possible pour rendre visible les questions inter*. Intersexion est un magnifique objet de médiatisation des questions inter* !!!


Je vais aussi dans des colloques universitaires pour prendre la parole à bon escient, nous allons avec Arnaud Alessandrin (sociologue spécialiste de la transidentité et de la transphobie, ndlr) fin Avril à Strasbourg pour un colloque, et j’étais aussi à Strasbourg avec Vincent Guillot (co-fondateur de l'organisation internationale des intersexes, ndlr) fin Janvier pour un forum de bioéthique.



Quel est ton avis sur le film ? Penses-tu qu'il permette à des personnes non-averties de comprendre ce qu'est l'intersexuation et d'en saisir les enjeux?


Bien évidemment !!!!!


Aurais-tu des sites internets, articles ou livres à conseiller pour les personnes qui s'intéressent, se sentent et/ou sont plus directement concerné-e-s par ces questions ?



Enfin, existe-t-il des manifestations culturelles / militantes abordant la thématique de l'intersexuation (festival, forums ou autres) ?


Il y a le Festival de Cinéma de Douarnenez dans le Finistère qui, depuis 5 ans, aide activement les militants inter*. Cette année ce sera du 19 au 27 Août et le thème est « Les peuples de Turquie ». C’est un festival autour des questions minoritaires et les inter* en font largement partie !!


CARTE BLANCHE : un dernier mot pour la route ? un dernier thème que tu souhaites aborder ? C'est par ici !


On se recontacte rapidement pour la suite des aventures si vous voulez !!!


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