Ken AMEGÉE : "le dessin est venu à moi de lui-même".
Dessinateur de talent, esthète fantasque et visionnaire, Ken Amegée transpose la dimension onirique de son univers intérieur dans le monde réel par la force de ses oeuvres. Cet artiste bordelais poursuit ses songes et les cultive pour en retirer les éléments clés. Cet entretien nous permet de mettre un pied dans sa "Rêvalité ".
© Ken Amegée
2m20 x 1m15 / Posca,Tria, Acrylique sur p.v.c mou
PRÉSENTATION
Alors Ken, d'où viens-tu ?
Il y a trois décennies, mes parents quittaient le Togo pour venir s'installer à Bordeaux. Je suis né ici et y suis resté fidèle.
Dans quel cadre as-tu grandi ?
Quatre dans un deux pièces. Une cuisine de 2m², d'où ma mère sortait des plats fabuleux. La chaine hifi de mon père, la musique classique, le jazz, le calypso, la variété française, togolaise. La complicité d'une grande soeur charismatique, mes potes, mes copines et la grande bibliothèque de Bordeaux, à deux pas de la maison, littéralement ma garderie pendant les vacances scolaires.
Comment imaginais-tu ta vie quand tu étais enfant ?
Je pense avoir compris assez tôt l'importance de la création ; dès lors, enfant puis ado, j'ai essayé d'orienter ma vie autour de cet axe.
Et maintenant, quel est ton idéal dans la vie ?
Mon idéal n'a pas changé, il s'est affiné. Créé un espace, une bulle créative, prendre le temps d'avoir le temps.
Pour toi, l'inspiration c'est...?
Absolument tout ce que mes cinq sens peuvent détecter, et c'est mon sixième sens qui fait le tri pendant que je dors... Pratique !
© Ken Amegée, L'insolence, work in progress
100cm x 70cm / crayon sur papier.
© Ken Amegée, L'insolence, finalisé
100cm x 70cm / crayon sur papier.
II) PARCOURS ARTISTIQUE
A quelle période de ta vie as-tu réalisé que tu voulais te lancer dans les arts graphiques ?
Le dessin est venu à moi de lui-même, dans le sens où j'ai découvert cette pratique en même temps que mes petits camarades du cours préparatoire, j'ai aimé ça direct ! Si bien qu'à la fin du primaire, il a été conseillé à mes parents de m'inscrire à des cours, voire à une école de dessin...mais non. Alors j'ai dessiné dans mon coin. Puis plus tard j'ai intégré la section communication graphique au Lycée Toulouse Lautrec.
J'ai appris que tu avais suivi une formation de design graphique. De quelle manière ce cursus a-t-il influencé ta pratique ?
Je découvre les feutres Tria lors des cours de dessins pub, c'est le tournant majeur de mon amour pour la couleur. J'utilise la technique du Rough, une sorte de dessin préparatoire, un croquis rapide lors de la conception de planche publicitaire, mais, au contraire j'applique une technique plus lente afin d'obtenir un dessin fini.
Quelles techniques as-tu expérimentées avant de te centrer sur le travail aux crayons de couleurs ?
Un peu de peinture acrylique, fusain, sanguine, très peu d'huile.
Comment décrirais-tu ton style graphique ?
Souvent je décris mon style comme "stylisé / léché" : stylisé pour l'harmonie des courbes - je n'aime pas beaucoup les lignes droites -, léché pour le côté propre et lisse.
© Ken Amegée, Tue la mort, work in progress
70cm x 55cm / crayon sur papier
© Ken Amegée Tue la mort, finalisé
70cm x 55cm / crayon sur papier
Quelles sont tes sources d'inspiration majeures ?
J'étais, et je suis encore très influencé, par Alfons Mucha, puis en règle générale tout l'Art Nouveau. Actuellement, j'aime vraiment Kim Jung Gi, James Jean , Rockin Jelly Bean, Richey Beckett...
Je suis impressionnée par la dimension onirique des tes oeuvres... Peux-tu me parler de ton processus de création ?
Pour ma dernière série, j'utilise exclusivement mes rêves comme base, support pour mes illustrations. Je développe le concept de "Rêvalité ", des acteurs rééls dans un monde irréel où tout est possible. Autrement dit, mes amis, ou même des personnes avec qui j'ai partagé quelques instants, s'invitent dans mes rêves, et j'en distille une image qui traduit à mon sens le ressenti, le sentiment, l'émotion de ce rêve.
© Ken Amegée, Le règne, work in progress 100cm x 70cm / crayons sur papier
© Ken Amegée , Le règne, finalisé 100cm x 70cm / crayons sur papier
En moyenne, combien de temps passes-tu sur une oeuvre ?
Hormis le brouillon que je travaille beaucoup, je mets entre un et deux mois.
En 2012 se tenait la 15ème édition des VIBRATIONS URBAINES, véritable institution à Bordeaux (Pessac), destinée à promouvoir les arts contemporains urbains au travers d'expositions, performances, ateliers et documentaires. Pour la première fois, les organisateurs ont mis en place un concours national de street art, avec la participation de 75 artistes et près de 1500 votants. Et c'est toi qui a été récompensé ! Qu'est-ce que cette reconnaissance a représenté pour toi ?
La toute première en tant qu'artiste, et aussi une grande surprise, car je ne me revendique pas vraiment de la scène Street Art. Néanmoins, cela m'a encouragé à produire davantage.
© Ken Amegée, Les VU, quinze ans qu'on en mange !, 2012.
Premier prix du concours de Street Art
Il y a deux ans, tu as participé à l' OBEY ICON TOUR. La marque de street wear tenait à promouvoir le coté artistique et les racines street art du concept. C'est donc par le biais du travail de 13 artistes internationaux, invités à réinventer le logo et l'image (icon face) de la marque, que tu as eu l'opportunité de t'exprimer. Que retiens-tu de cette expérience ?
Tout d'abord, la puissance de ce logo noir blanc rouge, si simple et si efficace, m'a toujours intriguée. Alors, quand j'ai eu la possibilité d'y apporter mon point de vue, j'ai sauté sur l'occasion. Pour le coup, j'ai réalisé trois illustrations en un mois... A croire que l'envie dilate le temps !
© Ken Amegée
Crayon sur papier, 53cm x 37,5cm
Obey Icon Tour pour Obey Clothing France
III) PROJETS ACTUELS
Sur quel projet travailles-tu en ce moment ?
En ce moment, je travaille sur une frèsque de 2m30 sur 1m30, exclusivement au crayon de couleur - ma Sagrada Familia à moi comme j'aime la nommer -, un projet très long ,qui prend la majeure partie de mon temps. Son titre est "The End" ma vision très personnelle de la fin du monde. Je suis dessus depuis plus de trois mois avec en amont deux mois de brouillon. Elle avance plutôt bien.
© Ken Amegée, The End (croquis)
130cm x 230cmCrayon / Papier.
Comment envisages-tu la suite de ta carrière artistique ?
Je n'ai pas réellement de plan de carrière artistique. J'espère juste saisir les bonnes occasions au bon moment, pour continuer le plus possible à gratter sur du papier.
© Ken Amegée The End
Gros plan - détails #1
Dans l'absolu, quel serait ton rêve d'artiste ?
Crée une oeuvre qui puisse traverser les âges.
© Ken Amegée The End
Gros plan - détails #2
Et plus concrètement, tu as des idées derrières la tête pour les mois à venir (collaborations, expo...) ?
Je n'ai qu'une seule idée en tête depuis des mois : terminer ma fresque et pouvoir passer à d'autres rêves, jusqu'à ce que je ne rêve plus... Mais avant, j'aimerais organiser une expo " Rêvalité "... Oui, j'ai ça dans le coin de ma tête.
© Ken Amegée The End
Gros plan - détails #3
IV) VERS UNE INSTITUTIONNALISATION DU STREET ART ?
D'aucun.e.s proposent d'associer le street art et les politiques d'urbanisme. Comment te positionnes-tu par rapport à cette volonté d'intégrer l'art urbain dans l'espace public ?
Je suis favorable à tout mouvement interdisciplinaire, c'est-à-dire que les street artist participent, par exemple, en collaboration avec des architectes, urbanistes, paysagistes..., à l'élaboration de mobilier urbain, de luminaires, places, bancs... Qu'il y ait un vrai partage d'idées, et non pas l'obtention d'un mur par ci par là...
V) CARTE BLANCHE : un dernier mot pour la route ? C'est ici !
IL est plus facile de parler des autres que de parler de soi.