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Queer Week : rétrospective sur une semaine follement queer.


Du 21 au 26 Mars dernier, se tenait la 7ème édition de la Queer Week. Nous nous y sommes rendu-e-s. Faute de timing, nous n'avons pas pu réaliser l'entretien avec la team 2016 avant le coup d'envoi de cette semaine pour le moins mouvementée: entre conférences sur le parcours en milieu carcéral des personnes trans, les témoignages de demandeurs d'asile LGBT+, la micro-convention tattoo à la Mutinerie et les repas sur le pouce au désormais culte Péripate / Freegan Pony, nos stimulations neuronales ont failli saturer un bon nombre de fois, mais ça en valait la peine! (pour apercevoir le programme complet, c'est ici ).

Un grand merci à toute l'équipe pour son implication, ses good vibes et son programme sulfureux!



QUEER WEEK : UNE SEMAINE AUTOUR DU QUEER


Tout d'abord, quelle est votre définition du queer ?

Queer, à la base, c’est une insulte que des populations se sont ré-appropriées (un peu comme négro). Ça désigne une théorie, des esthétiques, des politiques, des individus, des pratiques…

Aujourd’hui, le mot queer peut désigner plusieurs réalités. Nous l’utilisons ici pour faire référence à tout ce qui n’est pas dans la norme et qui la dérange, à commencer par la norme cis-hétéro-patriarcale. En cela, le queer tire sa dimension politique directement des expériences de vie des individus marginalisées elleux-mêmes.


Pourriez-vous donner 3 mots, expressions ou courtes phrases qui, à vos yeux, se rattachent au concept de queer et expliciter vos choix ?

“Au grand jour nous apparaissons et vive la révolution” (tiré de l’Hymne du FAHR). Le queer tire sa dimension politique de l’existence même de personnes ne correspondant pas aux normes. En arborant cette identité nous participons ainsi à la déstabilisation de la société dans le but de la rendre plus inclusive.

"Se faire enculer est une lutte”. Y’a un espèce de facho qui a attaqué ad hominem un des membres de la Queer Week cette année en balançant un truc du genre “je savais pas se faire enculer était une lutte”, du coup on s’est dit en rigolant que ça pourrait faire un bon slogan.

“Mon corps, mon genre, ta gueule”. C’est un slogan qu’on entend souvent en manif, et ça résume bien notre pensée : nos identités n’appartiennent qu’à nous et ne réclament aucun commentaire.


La Queer Week, présente depuis 2009 dans le paysage culturel alternatif de la capitale, est organisée par un collectif d'étudiant.e.s de Sciences Po et d'ailleurs. Comment l'équipe se forme-t-elle au gré des éditions ? Est-elle différente chaque année ?

L’équipe est formée pour un an seulement. À la fin de chaque festival, l’équipe en place recrute l’équipe de l’année suivante. Cela permet un renouvellement des questions abordées à chaque fois, chacun-e apportant les thématiques qui lui tiennent à coeur.


Quelles thématiques incontournables fondent l'identité de la Queer Week ? Quelle est votre démarche ?

La remise en cause de l’idée de naturalité des orientations sexuelles et des genres est incontournable, car c’est de là que partent les discriminations dont les personnes LGBT+ sont victimes. La volonté de mettre au centre les personnes et discours marginalisées fait partie de l’identité de la queer week.


RÉTROSPECTIVE SUR L'EDITION 2016


Pour cette édition - la septième ! -, la thématique mise en avant était Espaces / Écrans. Sur quoi vous êtes-vous fondé.e.s pour organiser le festival autour de ce thème ? Quel rapport entretient-il avec le queer ?

Le thème de cette année est issu de longues discussions et de longs débats. Il faut garder en tête que nous nous sommes retrouvé-e-s à presque quinze, sans se connaitre, avec six mois pour organiser le festival. Le thème, c’est la première chose dont on a discuté. Il nous paraissait assez bien coller avec les sujets que nous voulions traiter (la question des réfugié-e-s, des représentations dans les séries, etc.) et le “/” entre les deux nous permet de jouer un peu avec les sens littéraux / figurés pour que tout fonctionne - à peu près - dans ce thème ! Après, c’était surtout une ligne directrice pour nous, une façon d’essayer de cadrer nos envies et nos centres d’intérêts assez divers.

Espace / Écrans c’est un thème chapeau qui permet d’aborder l’enjeu du numérique et des pratiques digitales qui contribuent largement à façonner des réseaux et à créer des solidarités. La thématique se retrouve de manière transversale, tant dans le contenu des événements que dans la dimension opérationnelle : nous avons essayé d’utiliser au mieux les outils digitaux pour retransmettre, communiquer, échanger avec les publics.


Vous étiez accompagné.e.s et soutenu.e.s par OcéaneRoseMarie, marraine d'honneur, qui figure notamment sur les vidéos destinées à promouvoir le festival. Comment votre collaboration a-t-elle vu le jour ? De quelle(s) manière(s) représente-t-elle les valeurs promues par la Queer Week ?

OcéaneRoseMarie est une artiste et une chroniqueuse qui ose prendre position sur les questions de discrimination et dénoncer la bien-pensance qui cache racisme et queerophobie.

Il y a eu quelques discussions sur l’utilité d’avoir un parrain/ une marraine pour notre édition, étant donné le coté scolaire / patriarcal, mais le travail de OcéaneRoseMarie correspond assez bien à notre vision politique. Elle a des positions concernant l’humour que l’on trouve assez intelligentes. Notamment : ce n’est pas parce qu’on est “drôle” qu’on ne peut pas véhiculer un tas de trucs assez oppressifs et que rigoler des préjugés sans les déconstruire, ce n’est pas forcément utile ! Mais allez voir son spectacle et je pense que vous comprendrez :)



En plus d'être riches et variés, les événements au programme étaient entièrement gratuits et ouverts à tou.te.s. Pour cela, vous avez créé une campagne de financement participatif. Comment cette période de collecte de fonds s'est-elle passée ? Pouvez-vous rappeler à quoi la somme collectée a été affectée ?

Comme chaque levée de fonds, cette période était une période test. Notre programme va-t-il plaire ? Arriverons nous a atteindre notre but alors que les personnes LGBT+ sont fortement touchées par la crise économique ? Heureusement, nous avons pu compter sur une base de fidèles que nous remercions tout particulièrement pour leur confiance.


Outre la campagne de crowdfunding, comment vous-y êtes vous pris.es pour trouver des appuis, des partenaires et des financements ?

Nous avons des partenaires réguliers qui nous aident depuis plusieurs années, et particulièrement pour donner de la visibilité à la semaine. [Cette année, notre seul partenaire financier est Sciences Po, car le tissu économique LGBT+ souffre de la crise].


Il y a eu aussi une nouveauté en cette année 2016 : la Queer Week s'est exportée hors des murs de Sciences Po ! La Mutinerie, la Bellevilloise et Péripate / Freegan Pony ont également accueilli des événements. Un petit mot sur ces espaces partenaires du festival ?

Nous remercions ces lieux d’avoir bien voulu héberger notre édition, nous sommes très fièr-e-s de pouvoir y être et de diversifier nos localisation géographique et nos publics. C’était un parti pris politique fort d’organiser certains événements en dehors de Sciences Po (ça reflète aussi la composition de l’équipe qui n’est plus uniquement composée d’étudiant-e-s de cette institution, mais également de jeunes professionnel-le-s).

La Mutinerie est un bar incontournable de la scène queer de Paris. Lieu transpédégouine, il accueille sans condition de genre ou d’expression de genre, et organise régulièrement des événements.

La Bellevilloise nous a accueilli-e-s pour la soirée de lancement de notre crowdfunding, en Février. Au demeurant, nous avons souhaité investir des lieux plus “politisés” pour héberger les évènements de la semaine.

Le Péripate / Freegan Pony est un squat, situé littéralement sous le périphérique, porte de la Villette. Pour persister et éviter l’expulsion (quasi inévitable puisque c’est un bâtiment squatté), le Péripate s’est converti en restaurant freegan chaleureux, le Freegan Pony. Le Freegan Pony et entièrement autogéré par des bénévoles qui cuisinent à partir de légumes issus des invendus de Rungis. C’est un lieu de dissidence politique et culinaire ! Cette année le Péripate / Freegan Pony a accueilli une bonne partie de la programmation de la Queer Week, avec notamment l’accrochage de l’appel à contribution Arts, la Queer Zine Fair, la carte blanche au collectif Froufrous de Lilith ainsi que plusieurs soirées projections.


Le line up du festival était très alléchant ! Projections-débats, tables rondes, conférences, ateliers, soirées... Que retirez-vous de cette expérience en tant qu'organisateur.e.s ? Qu'est-ce qui a été le plus gratifiant ? Et le plus difficile ou décevant ?

Il y a forcément eu au cours de la gestation du projet des idées qui n’ont pas abouti, faute de temps, de moyens, etc. mais la plupart des intervenant-e-s que l’on a sollicité-e-s ont répondu positivement, sauf contraintes d’emploi du temps, et c’est assez cool de voir que la Queer Week possède quand même une certaine aura.

La réussite de la levée de fonds ainsi que l'allongement de la liste des inscriptions ont été deux éléments très gratifiants.

Le peu de moyens financiers dont nous disposions ont limité certains choix et ont donc pu s’avérer frustrant.



RETOUR SUR LES QUATRE ÉVÉNEMENTS SPÉCIAUX


Au Commencement Était le Queer : comment cette soirée inaugurale s'est-elle passée ? Satisfait.e.s ?

On a un peu flippé (on n’est pas promoteur.trices de soirée) mais c’était cool ! Les gens sont venus nombreux et on a ramené une population dont le restau de la Bellevilloise / la Halle aux Oliviers n’a pas trop l’habitude - les gens viennent plutôt y écouter des petites formations acoustiques. On a un peu piraté le lieu.

La soirée inaugurale s’est bien passée. Elle nous a permis d’avoir un premier contact avec notre public. Et on est assez fièr-e-s des deux dj-ettes qu’on a programmés BELFAGGOT et DRAME NATURE.



Queer Zine Fair : quel était votre objectif avec la mise en avant de la micro-édition, archétype du DIY minoritaire ?

L’objectif de la Queer Zine Fair était d’amplifier les voix dissidentes & marginalisées dans le milieu de la micro-édition. Nous avons voulu proposer un espace d’expression et de promotion pour toute personne qui s’identifie comme queer.

Nous avons également voulu visibiliser des initiatives politiques radicales au regard de l’histoire de la culture zine, en questionnant notamment la place de cette culture très anglo-saxonne dans le contexte national francophone.

Ç'a été un succès, nous avons accueilli une bonne vingtaine de collectifs /micro maisons d’édition / sérigraphes sur une journée, l’ambiance était vraiment chill malgré les conditions un peu précaires (le froid surtout). C’était vraiment un évènement DIY et on est vraiment satisfait-e-s de cette première édition !

On avait également mis en place un partenariat avec la fanzinothèque Disparate à Bordeaux. Pauline et Stéphane, qui ont monté cette structure, souhaitent ouvrir un fond d’archives (sur le modèle de la fanzinothèque de Poitier qui fait un peu référence en France), avec une section dédiée au fanzinat Queer. On a donc récupéré les zines des participant-e-s volontaires pour les leur transmettre.



Encre toi - micro convention de tatouage : selon vous, la sous-culture de l'encre est-elle queer par essence ou est-elle un moyen de s'affranchir de la binarité des genres ?

Le tatouage n’est pas un art pratiqué uniquement chez les LGBT+ mais il revêt un caractère d’empuissancement (empowerment, ndlr) qui en fait un outil intéressant. En effet, le tatouage permet à la fois de se ré-approprier son corps et de s’affirmer. Étant un acte très personnel, chaque personne tatouée assigne à son tatouage sa signification, qui peut être un affranchissement de la binarité des genres comme beaucoup d’autres choses.

Pour la première édition de cette “micro-convention”, nous avons également voulu visibiliser des artistes tatoueuses, car le milieu du tattoo demeure très majoritairement hétéro-sexiste.


Roxane de PerSeSibi : le Queer dans la peau, grâce à Sans Bavure!


Et Le Queer Etait En Chair : ALÉA#3 Polychrome X Queer Week : qui étaient les co-organisateur.e.s de l'événement ?

Polychrome est un collectif de l’École du Louvre qui réalise une programmation sur toute l’année dans les mêmes thématiques que nous mais plutôt branchés ART.



CARTE BLANCHE


Un dernier thème que vous souhaitez aborder ? Un dernier mot pour la route ? Allez-y, tout est permis !

On a eu l’occasion de se croiser pendant la Queer Week, vous êtes vraiment super. Donc un grand merci d’avoir fait le déplacement depuis le 33 et full support pour toutes vos actions !

On compte sur vous pour queeriser Bordeaux !

Bisou du feu


Pour retrouver l'ensemble des informations concernant la Queer Week et rester en contact pour la prochaine édition:



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