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Lorene ABFAYER : "j’ai toujours dessiné, aussi loin que je me souvienne".

Lorene Abfayer, artiste nomade aux expériences multiples, continue à nourrir son univers en le peuplant de personnages hybrides, au-delà de la binarité des genres et des espèces. Cette expérimentation artistique est sous-tendue par un postulat puissant : "ce n’est pas uniquement l’humain et l’animal qui sont concernés par cette exercice de déconstruction, mais aussi l’enfant et l’adulte, le masculin et le féminin, la peau et la plume, le solide et l’air, la griffe et la main, les larmes et la salive, le bec et la bouche, l’oeuf et l’utérus, la culture et la nature, l’art et la politique" (Paul B. Preciado).


© Lorene Abfayer

Hybridation .03 subject fox fox - human - butterfly Ink on Michel paper 250g 25x28


Si tu es d'accord, j'aimerais commencer cet entretien en revenant sur quelques points purement biographiques. Donc, tout d'abord, d'où viens-tu ? Je suis née en Israël, je suis arrivée en France à l’âge de 11 ans puis à 16 ans je suis partie vivre en Angleterre puis en Espagne. En réalité, je suis nomade, citoyenne du monde.


Dans quel cadre as-tu grandi ?

En Israël, dans les années 70, la vie était douce et dure, un véritable contraste entre la beauté du pays et son danger, j’étais heureuse mais alerte en permanence, aucune insouciance.


Comment imaginais-tu ta vie quand tu étais enfant ?

J’étais très intéressée par la sexualité, intriguée et fascinée, je voulais être prostituée plus tard mais je n’avais aucune notion de ce que cela voulait vraiment dire.


Et aujourd'hui, quel est ton idéal dans la vie ?

Je n’arrive pas à répondre à cette question, peut être qu’à ce jour ma vie est idéale ?


Pour toi, l'inspiration c'est...?

Le vivant.


© Lorene Abfayer

wondering hights ink on Canson paper 224g 30x40


A ce jour, tu es une artiste protéiforme reconnue et renommée, et tes projets suscitent l'intérêt du plus grand nombre. Avant que ta carrière prenne son envol, à quelle période as-tu réalisé que tu voulais te consacrer essentiellement aux arts graphiques ? J’ai toujours dessiné, aussi loin que je me souvienne, cela a toujours été une passion. J’ai fait des écoles d’art et travaillé dans des domaines qui exigeait le dessin comme la mode et la déco, mais c’est à l’âge de 40 ans que j’ai décidé de ne plus faire que ça.


Dans quelle mesure tes études et ton parcours professionnel / artistique ont-ils influencé ta pratique actuelle ? Je me rend compte, à mon grand âge, que absolument tout ce que j’ai appris, que ce soit à l’école ou en travaillant me sert aujourd’hui d’une manière ou d’une autre, rien n’est perdu et rien n’est pour rien.


Quels supports et techniques artistiques as-tu expérimenté avant de centrer ton univers sur le dessin ? J’ai commencé par le dessin et je termine par le dessin mais j’ai aussi fait de la photo, de la peinture, de la performance, de la musique, de la vidéo etc…


Comment décrirais-tu ton style graphique ?

Pop surréalisme contemporain.


© Lorene Abfayer

Alice In Queerland - The Duchess


Quelles sont tes sources d'inspirations majeures (littérature, cinéma, séries TV, arts plastiques, sciences, philosophie...) ?

La liste serait trop longue, je suis assez boulimique de tout ça.


Peux-tu me parler de ton processus de création ?

Je passe beaucoup de temps à réfléchir sur les sujets qui m’importent, à essayer de comprendre ce que je veux exprimer, et dans le tourbillon d’idées qui envahissent mon esprit en permanence souvent jaillit une phrase qui sera en général le titre d’une série de dessins, je dois alors tout de suite écrire tout ce qui me passe par la tête concernant cette idée, je m’installe dans mon atelier et réalise des croquis puis je commence à dessiner et à peindre. C’est un processus mental et technique.


En moyenne, combien de temps passes-tu sur une oeuvre ?

C’est très variable, je dirait de cinq jours à trois mois...


Tes productions invitent au rêve et au voyage, dans une sphère utopique où une humanité affranchie des questions de genre retrouverait sa dimension animale... Comme l'avait très justement écrit Paul B. Preciado au sujet de ton exposition Birds don't cry, "Lorene Abfayer s'attache à définir les infra-espèces comme des minorités subalternes, non reconnues par l'épistémologie hégémonique des humains genrés et valides". En quoi la déconstruction de la binarité des genres que tu opères à travers tes oeuvres constitue-t-elle une ligne directrice dans ton travail ?

Elle est la fondation même de tout mon travail, mais pas que : l’antispécisme , l’absence raciale et la liberté tout simplement. Une utopie post révolution sexe – race –espèce qui nous permettraient d’évoluer dans un espace dépourvu de marquages non choisis.


© Lorene Abfayer

Birds don't cry - the anticipating beauty Ink on Canson paper 224g 30x40


En décembre 2012, l'exposition Daughters Of Feminism rendait hommage à quelques figures phares des féminismes, comme Judith Butler, Simone de Beauvoir ou encore Angela Davis. Quelle était ta démarche dans l'élaboration de cette série de dessins ? En quoi était-ce important pour toi de représenter ces personnalités qui ont marqué l'histoire des féminismes ?

Je suis une femme.

J’essaye de comprendre à quel moment les femmes ont-elles renoncé à se battre ? A quel moment certaines d’entre elles ont estimé que ce qu’elles avaient était suffisant ? Nous somme en 2016 et le féminisme existe toujours et, non seulement il existe, mais il a mauvaise réputation. J’aurais aimé pouvoir répondre « en souvenir de ce mouvement qui a existé jadis et des femmes qui se sont battu pour qu’il n’existe plus ».

Il est important pour moi que les femmes et les hommes soient féministes, c’est ma façon de les y encourager.

Daughters Of Feminism, contrairement à mes autres séries de dessins, est une série perpétuelle, chaque année viennent s’ajouter des figures du féminisme à travers le monde. Aujourd’hui je ne choisis plus les personnes représentées car j’estime que l’importance d’une personne dans la vie d’une autre fait que les choses avancent , je représente donc les féministes que l’on me demande de représenter ce qui me permet également d’en découvrir beaucoup. Je reçois beaucoup de mails de demandes, je parcours alors la vie, l’œuvre de la personne en question, m’en imprègne, je rentre alors dans un état obsessionnel qui me permet à un moment donné, avec évidence, de créer un dessin totalement inspiré de cette personne.

© Lorene Abfayer

DAUGHTERS OF FEMINISM - growing on the land a tribute to Annie Sprinkle. Ink on Canson paper 224g 30x40.


Pour Persesibi, le mouvement queer, considéré sous le prisme d'une méthode, est un ensemble de stratégies qui déstabilisent, interrogent et repoussent les limites produites par les représentations sociales de la cishétéronorme occidentale. Dans quelle mesure te définis-tu comme une artiste queer ?

Je me définis avant tout comme une artiste lesbienne, mais le mouvement queer est un sujet que je traite régulièrement dans mon travail.


Dans King Kong Théorie (2006), Virginie Despentes avance que « King Kong, ici, fonctionne comme la métaphore d'une sexualité d'avant la distinction des genres telle qu'imposée politiquement autour de la fin du XIXe siècle. King Kong est au-delà de la femelle et au-delà du mâle. Il est à la charnière, entre l'homme et l'animal, l'adulte et l'enfant, le bon et le méchant, le primitif et le civilisé, le blanc et le noir. Hybride, avant l'obligation du binaire [...] ». En quoi ce propos peut-il s'appliquer à ton bestiaire "infra-darwiniste" ?

En tout.

© Lorene Abfayer

DAUGHTERS OF FEMINISM - dare a tribute to Peaches Ink on Canson paper 224g 30x40.


Sur quels projets travailles-tu en ce moment ? « Gay kissing in the jungle », une série de dessins de personnages hybrides à têtes d'animaux au dimorphisme sexuel et aux corps humains, représentant des couples gays qui s'embrassent dans la jungle qui est notre monde.


Comment envisages-tu la suite de ta carrière artistique ?

Avec enthousiasme.


Et quel serait, dans l'absolu, ton rêve d'artiste ? Exposer dans le monde entier, aux côtés de mes artistes préférés, dans un univers parallèle où l’art serait à la portée de tous , partout, tout le temps.


© Lorene Abfayer

Gay kissing in the Jungle


Pour suivre le travail de Lorene Abfayer et découvrir d'autres oeuvres :




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