UVulva : luminescence du queer.
Pour se présenter, le micro-collectif sex and body-positive UVulva s'exprime en ces termes : "Le corps plongé dans le noir, le sexe éclairé par un néon, ces peintures fluorescentes, éphémères et éclatantes ont pour but de sublimer l’intimité et de détourner l’esprit du spectateur de la nature du support. Ce mode d'expression porte un regard nouveau sur les sexes en les transformant en oeuvres d'art, avec poésie et humour. La photographie est une façon d'inscrire cette vision dans la durée et ainsi de participer à la disparition des "valeurs esthétiques" subjectives des vulves, imposées par la pornographie mainstream."
Les artistes-performeur.e.s de ce duo se sont prêtées à notre jeu en acceptant de répondre à nos questions : spoiler alert !
Qui est UVulva ?
Une fois, on nous a qualifiées de « Monstre à deux têtes » et surnommées respectivement U & Vulva, on a beaucoup aimé l’idée et on hésite carrément à en faire nos pseudos.
Partenaires en peinture comme dans la vie, c’est tout naturellement que nous nous sommes constituées en minicollectif.
Quels ont-été vos parcours respectifs avant de débuter cette aventure ?
L’une d’entre nous travaille dans un bureau et l’autre dans la santé, nous sommes les deux militantes et sommes également à l’origine (avec d’autres) d’une association qui promeut le plaisir féminin. La peinture sur vulve était la suite logique de notre démarche de base.
Comment vous êtes-vous rencontrées ?
Via une application de rencontres coquines :).
Quand et comment avez vous lancé ce projet ? Aviez- vous déjà des expériences ou une formation dans les arts plastiques ?
Nous avons lancé ce projet à la suite de l’anniversaire d’un ami. Il avait organisé une soirée « Fluo » et nous, on a emmené de la peinture pour se grimer. Quand on est sorties de la salle de bain avec toutes nos peintures sur le visage et les bras et qu’on a vu l’effet sous les néons UV on s’est regardées et on s’est exclamées ensemble « Ce serait tellement beau sur une chatte !! » et le projet est né.
Cécile n’a pas de formation artistique mais elle a un fort sens pratique et elle est très habile de ses mains. Elle bricole tout ce qu’elle peut et elle a toujours adoré peindre pour le plaisir. Sophia a fait un bref passage par une école d’art mais s’est toujours considérée comme une artiste du dimanche ; elle adore néanmoins créer, inventer et s’exprimer par les médias visuels.
Comment décririez-vous votre univers artistique ?
C’est difficile à dire. Nous aimons bien nous dire iconoclastes, parce qu’on adore reprendre à notre compte des visuels déjà populaires, et les appliquer sur une vulve est une sorte de provocation gentillette. On se retrouve aussi pas mal dans la mouvance psychédélique, à cause des couleurs de l’éclatsi vifs des peintures.
Quelles sont vos sources d'inspiration majeures en termes de féminismes et de productions artistiques ?
On s’inspire d’artistes féminines comme Nicky de Saint Phalle, par exemple. Mais de là à dire que notre travail est influencé par des artistes, on ne sait pas trop si cela est vrai. On y va à l’instinct et on essaie
vraiment de trouver « notre truc ». Bien sûr, nous sommes des animaux culturels donc on ne peut pas dire que notre art est brut, cela dit on préfère s’inspirer de la culture populaire que de l’histoire de l’art, qui reste malheureusement un peu élitaire et difficile d’accès. En termes de féminisme, on se rapproche des mouvements qui sont les plus inclusifs. Nous partageons cette idée que tous les corps sont beaux, toutes les identités de genre sont valables et que chacun.e peut faire ce qu’ielle veut de son corps, y compris en faire son outil de travail.
Les créations de UVulva sont subversives et body-positive. Quelles sont les bases politiques et les valeurs qui vous guident dans l'élaboration de vos oeuvres ?
Nous avons une couleur politique, c’est certain, et elle est carrément rouge. L’égalité des chances et l’égalité de traitement sont des valeurs auxquelles nous croyons vraiment très profondément. Ce sont aussi ces valeurs que nous essayons de promouvoir via nos peintures : toutes les vulves sont belles, ellesméritent toutes la même considération et surtout, elles méritent d’être autant vues que les pénis. Elles n’ont pas moins de valeur, ni esthétiquement, ni fondamentalement !
Selon vous, en quoi votre travail est-il sex-positive ?
Selon nous, il n’y a pas de doute là dessus. Notre travail est toujours qualifié de « sexy » ou de subversif, du fait qu’il se tient entre les jambes ; notre approche cherche à magnifier la génitalité que notre culture a rendue «aversive». Le sexes en gros plan, ce n’est pas commun et nous, on pense que cen’est pas normal de renier son corps pareillement. Nos sexes, il faut les considérer positivement et avec amour… pour nous c’est aussi ça le sexe-positivisme.
Cette année, vous avez participé à La Fête Du Slip (Suisse) et à Eristocratie (Paris) en tant qu'intervenantes. Vous avez donc eu des modèles issu.e.s du public de ces deux manifestations. Comment ça s'est passé pour vous ? Le public était-il au rendez-vous ?
Ces deux expériences étaient fabuleuses, nous tenons par ailleurs à remercier toutes les personnes qui ont rendu cela possible.
A la Fête Du Slip, nous n’avons pas peint les modèles. Nous avons simplement fait un live painting pendant que les participants se peignaient mutuellement, après s’être inscrits deux par deux. L’atelier affichait complet avant de commencer et les retours étaient très positifs, nous avons été vraiment
honorées d’entendre les remerciements et les « Bravos » des organisateurs et participants du festival.
Pour EroSphère, nous avons mis la main à la pâte plus intensément. Nous étions présentes sur les 4 jours de festival, deux jours pour palper l’ambiance et participer à des ateliers, et deux jours de production intense dans des locaux aussi chauds que les festivaliers ! Nous avons eu la chance de pouvoir nous exprimer sur une trentaine de personnes différentes, cumulant près de 15h de travail
intense. La diversité était telle que nous avons pu voir et essayer une foule de choses, notamment sur des pénis, ce que nous n’avions jamais fait auparavant. Cette diversité nous a forcées à nous adapter à toutes les formes de vulves et à toutes les pilosités en un temps records, car nous n’avions que 30 minutes par modèles pour peindre et réaliser la photographie. Là encore, nous avons reçu beaucoup de compliments et nous avons été extrêmement touchées par la gentillesse des participants et des organisateurs de ce festival.
Plus concrètement, comment se déroulent les séances de bodypainting ? De quelle manière choisissez vous les motifs que vous représentez à la peinture fluo ? Comment gérez-vous la relation intime avec les modèles ? Que ressort-il de ces sessions ?
Concrètement, nous installons les modèles sur une table de massage ou tout autre support où il est possible de s’installer en position « gynécologique ». Nous nous assurons du respect de l’intimité de la personne, si la prestation se donne dans un lieu ouvert. Nous répétons toujours le même mantra avant de commencer : « Je vais commencer à peindre, si tu ressens quoi que ce soit de gênant ou désagréable, dis le moi et on arrête tout de suite », on s’enquiert régulièrement de l’état de confort de la personne pendant la peinture, et on fait parfois des pauses lorsqu’on a affaire à une personne chatouilleuse. La relation est intime de par la localisation de nos peintures, certes, mais elle l’est aussi car les modèles ont la plupart du temps l’opportunité de nous donner des directives quant au dessin qu’elles aimeraient avoir sur leur vulve. Parfois c’est difficile de satisfaire les vœux spécifiques comme lorsque la pilosité est importante, car le niveau de détail n’est pas le même que sur une peau lisse.
On nous a souvent décrit une sensation de bien être, car les pinceaux sont doux et la peinture est soyeuse. Certaines se sont endormies et d’autres cherchaient à savoir si elles étaient titillées ou simplement agréablement touchées pendant la prestation. Nous n’avons jamais eu de feedback qui disaient que c’était excitant sexuellement, car ce n’est pas le genre regard que l’on porte ni l’intention que nous mettons dans nos gestes. Nous restons toujours très pros, avec une considération et une intention purement artistiques.
Une fois que la peinture est terminée, nous prenons une photographie et nous la montrons au modèle, qui est souvent ravie de voir sa vulve si éclatante.
Je crois que vous conservez une trace de vos oeuvres éphémères grâce à la prise de photos une fois que la peinture corporelle est terminée. Combien en avez-vous cumulé à ce jour ?
Pour l’instant, nous avons cumulé environ une soixantaine de photographies, dont la moitié s’est faite surdes modèles, et l’autre moitié entre nous. Ce nombre est toutefois relatif parce que nous ne gardons pastoutes les peintures, faute d’en être pleinement satisfaites. De plus, le travail de post-production sur les photos est parfois important, car les couleurs sont très réfléchissantes et se « polluent » parfois entre elles.
Quels sont vos projets d'avenir pour UVulva ? Continuer à colorer et à orner des vulves au gré de vos pérégrinations ? Exposer les photos de vos oeuvres ?
Nous avons des projets plein la tête, nous sommes de grandes rêveuses ! Pour l’instant, on répond à desappels à artistes et on essaie d’apporter notre travail dans des festivals ou évènements sex-positifs. On essaie, entre autres, de recruter des modèles (que l’on n’a pas recontactées depuis trop longtemps, honte à nous) pour constituer une collection dans une thématique que l’on a choisie. Certains autres projets ont déjà vu le jour et d’autres sont en discussion, on ne pourra pas en dire plus pour le moment… mais nous sommes vraiment extrêmement heureuses de l’accueil que nous réservent les gens, y compris les médias de masse !
Nous avons une performance live prévue le 10 septembre prochain à Lyon, lors d’une soirée « Genital Panic » organisée par l’association « Bonnie&Clit » où l’on va étendre notre champ d’action sur les dicklits de mecs trans (donc F to M). On se réjouit vraiment beaucoup de cet événement parce que c’est quelque chose qu’on veut faire depuis le début !
Et puisqu’on a carte blanche on aimerait vous dire MERCI, Persesibi ! Et on aimerait aussi vous proposernos services, si jamais il vous venait l’envie de monter un projet à base de vulves fluo ! :)
Pour retrouver les pages officielles de UVulva :