QUEEROTIC : une folle nuit porn queer et féministe.
En mai dernier, nous avions quitté l'équipe de Transposition à l'issue de la très belle première édition du festival des minorités de genre et sexuelles. Pour le plus grand plaisir de leur public, les organisatrices sont de retour le temps d'une soirée d'exception consacrée au porno queer et féministe programmée le 21 octobre au Théâtre des Têtes de l'Art (Annecy).
Parvenir à mettre en place cet événement n'a pas été de tout repos pour la team de Transposition, qui avait dû supprimer la projection initialement prévue lors des temps forts du festival à la fin du mois de mai 2016. Comme nous le confirme Julie, l'une des organisatrices, "nous avions eu beaucoup de soucis pour monter la première Nuit Queerotic qui malheureusement avait dû être annulée. Nous avions été assez désarmé.e.s face à l'image que certain.e.s pouvaient avoir de cette soirée : pour nous, il ne s'agit pas seulement de se retrouver dans une salle à regarder du porn, il s'agit surtout de réfléchir à ce que veut dire représenter les sexualités, dans la diversité des pratiques mais aussi dans celles des corps".
Théâtre Les Têtes de l'Art - Annecy
La volonté de proposer une réflexion en lien avec la représentation des sexualités en marge était, dès le départ, un des moteurs de la création du festival. Julie précise cela : "l'idée de cette soirée nous était tout de suite venue, lorsque nous avions envisagé de créer Transposition. Ce sont des thématiques qui nous tiennent à cœur car il nous semble essentiel que la parole sur les questions en lien avec les sexualités se libère". Car le porno n'est pas un bloc monolithique et immuable fait par et pour des hommes cishétéronormés. Au contraire, loin d'être réduit à des productions standardisées massivement consommées, la culture porn représente aussi un courant artistique alternatif et un outil politique fort. D'après Julie, "le porno est une machine à produire des représentations (et des fantasmes) qui sont structurants. Accepter que la sexualité soit modelée par la culture porn est un immense pas, donner à voir un porn différent, plus en phase avec la vision de toute l'équipe du festival, nous semble crucial. Il est essentiel que les minorités de genre et sexuelles produisent leurs propres représentations. Je crois, malgré les débats que cela peut entraîner parfois, que le porn est un réel enjeu féministe, les femmes aussi ont la possibilité de produire de la pornographie et du cinéma érotique et elles le font très bien. Se réapproprier sa sexualité et ses représentations, ce n'est pas rien quand même !".
Screenshot du film Le Baiser (2015) - Ovidie
Il est évident que de la visibilisation du porno queer et féministe montre "qu’il est possible de faire des films pornos de qualité, à la fois d’image, de narration mais aussi de jeu. Faire du porno de qualité est un enjeu véritable alors que ce que nous voyons constamment sur les plateformes gratuites, se résument souvent à des scènes génitales sans grand intérêt." (Sarah de Vicomte). Julie corrobore l'analyse de la sex writer de Barbi(e)turix : "Je crois qu'il y a plusieurs choses qui distinguent le porno queer et féministe du porno mainstream tel qu'on le trouve sur YouPorn... Le premier point, c'est « qui est-ce qui fait le film ? » : les minorités de genre et les minorités sexuelles. Le deuxième point concernent les corps que ces films donnent à voir, des corps qui sont moins normés, on peut voir des poils, des bourrelets, de la cellulite (mais pas que!) et c'est important. Ensuite, les pratiques qui sont montrées ne sont pas toutes les mêmes (ce dont parle Sarah de Vicomte, ces « scènes génitales »). J'ai envie de prendre l'exemple des scènes lesbiennes du porn mainstream qui semblent bien trop souvent servir de prétexte à l'arrivée du mâle et de son membre viril, je doute que beaucoup de lesbiennes se reconnaissent dans cette image-là de leur sexualité...". Ainsi, le porno queer et féministe permet de replacer les personnes évincées du porn mainstream au coeur de la création et de la production d'oeuvres qui les représentent authentiquement.
Screenshot du film République / Filles du calvaire (2015) - Sarah de Vicomte
Il y a aussi une réflexion éthique incontestable dans l'élaboration de films porno queer et féministes car, comme Julie le spécifie, ils "font une large part à la question de la protection, du cul, mais du cul safe, je crois que les questions de santé sexuelle sont elles-aussi des problématiques essentielles...". Ainsi, ces réalisations mettent en lumière des problématiques telles que le consentement, le respect et le safer sexe, bien loin des clichés cishétérosexistes et de la culture du viol ambiante.
Enfin, la dimension artistique du porno responsable et éthique est notable avec, comme le précise notre interlocutrice, "la volonté de proposer un vrai cinéma, de belles images, avec une vraie réflexion sur ce que ça veut dire filmer les sexualités. Nous avons vraiment tenu à programmer des films qui esthétiquement nous ont intéressé.e.s".
Screenshot du film Deepest Darkest (2015) - Lucie Blush
La Nuit Queerotic s'avère donc être un événement artistique et militant pro-sexe incontournable. Les films sélectionnés par l'équipe de Transposition promettent de bousculer les normes sexistes du porn mainstream avec les réalisations d'Ovidie (Le Baiser), de Sarah de Vicomte (République / Filles du Calvaire), de Lucie Blush (Deepest Darkest), de Bruce (Pornation) et d'Aaron Kantor (Folsom Street). De plus, la team de La Fête Du Slip (Lausanne) complétera cette sélection en présentant les meilleurs courts métrages du Slip d'Or. Transposition enrichit sa folle nuit en invitant le duo UVulva, qui transformera des sexes en oeuvres fluorescentes atypiques, l'artiste Savage Slit, qui diffusera une énergie sexuelle par le biais de ses oeuvres, et le magazine alt-porn Le Bateau qui donnera chaud à celleux qui le liront !
Screenshot du court métrage Folsom Street d'Aaron Kantor
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